L'installation par le FLN des commissions chargées de réfléchir sur les dossiers liés à la vie politique, économique et sociale du pays n'est pas passée inaperçue. Si le parti de Belkhadem se défend d'avoir créé un gouvernement parallèle, l'autre parti siégeant au sein de l'alliance présidentielle, à savoir le RND, ne l'entend pas de cette oreille. Pour la formation d'Ouyahia, ce sont là des tentatives du vieux parti de reprendre le contrôle de l'exécutif, d'autant qu'à travers sa préparation pour l'échéance de 2012, il compte baliser le terrain pour rafler la majorité des sièges des assemblées élues qu'il a perdue en 2007. Dans cette bataille feutrée, rien ne dit que le FLN ne s'inscrit pas dans l'après-alliance. Un gouvernement parallèle ? Le parti de Belkhadem a entamé une démarche inédite en créant des instances supplémentaires, en plus de celles héritées du parti unique. D'aucuns ont perçu cela comme une volonté de surveiller et d'épier le gouvernement Ouyahia. Belkhadem s'en défend, arguant qu'il n'est pas responsable des interprétations des autres. La démarche ne fait pas non plus l'unanimité au sein du parti quand bien même il en avait fait la promesse lors du 9e congrès où la promesse d'accorder une grande place aux femmes et aux jeunes s'était évaporée selon la logique de l'urne et des critères d'éligibilité inscrits dans les statuts. A priori, l'ouverture préconisée par le SG, élu par le 9e congrès et non les nouvelles instances élues du parti, semble répondre à l'éjection de ces deux catégories d'instance, surtout que le congrès n'a pas tenu à apporter de modifications, au statut pour leur permettre d'y figurer. Explication démentie, toutefois, par l'un des plus anciens députés du parti qui a précisé que l'ouverture du parti sur les compétences et la société civile remonte à l'époque où le FLN était dirigé par Abdelhamid Mehri. Celui-ci, comme son successeur Boualem Benhamouda, avait refusé. Et il semble, ainsi, que Belkhadem ait accepté. Selon notre interlocuteur, la réticence à l'intérieur du parti est due soit à une incompréhension de la démarche et de ses enjeux, ce qui va nécessiter des explications, ou alors ce sont des mécontents qui voient dans le nouveau schéma qui se met en place leur fin certaine. Il n'est pas exclu d'ailleurs qu'ils tentent de l'entraver. “Ils savent bien qu'ils n'auront plus de place dans le nouveau système qui a besoin beaucoup plus de compétences, ce qu'ils n'ont pas”, a précisé ce responsable. Cela s'inscrit, argue-t-on, dans la perspective de reconstruction du FLN, même si des voix et d'autres partis considèrent qu'il s'agit du contraire. Peu loquace sur la question, Belkhadem s'est souvent contenté de se défendre sans trop détailler son intention malgré les critiques. Il n'a d'ailleurs à aucun moment répondu ou réagi aux réserves. “C'est un moyen comme un autre de se redéployer”, a-t-il encore répondu, il y a une semaine. Le suspense est gardé alors que les responsables qui l'ont accompagné après le congrès des redresseurs, le 8e bis, et qui ont été balayés à la faveur du retour aux anciennes instances du parti, comité central et bureau politique, commencent à manifester des signes de mécontentement alors que certains se sont ouvertement démarqués de la démarche de Belkhadem depuis la tenue du 9e congrès. Si certains ont choisi de se taire en attendant de voir plus clair, Salah Goudjil a carrément ouvert le feu sur Belkhadem qu'il a accusé d'avoir détourné le parti et de s'être érigé en “zaïm”. D'autres pourraient le rejoindre dans cette campagne de résistance. Changement ou gouvernement parallèle Résistance au changement, estiment les soutiens de Belkhadem. Ces derniers vont plus loin dans les détails jusqu'à parfois paraître contredire le secrétaire général. De nombreux responsables et élus soutiennent Belkhadem et adhèrent totalement à sa démarche, et considèrent que c'est une solution pour éviter que le parti ne se sclérose. Une manière de répondre à ceux qui ont des doutes sur les intentions de Belkhadem. Sauver le parti à travers des commissions et les panels, certes, ont reconnu nos interlocuteurs qui veulent garder pour le moment l'anonymat, mais ils reconnaissent également qu'il s'agit d'un gouvernement parallèle. C'est à l'image des partis modernes à travers le monde. Ils sont entourés de spécialistes, de compétences et de conseillers qui ne sont pas forcément des militants et qui produisent des idées selon les sollicitations du parti, a expliqué l'un des responsables du FLN. Ceux-ci ne vont pas se substituer aux membres de la direction du parti ou au CC ou BP, c'est un plus et c'est un signe d'ouverture, rassure-t-il. Il doit être de même pour les partis de l'opposition. Sauf que dans le cas du FLN, il y a un sérieux problème. Membre de l'alliance présidentielle et du gouvernement du Premier ministre Ouyahia, il serait absurde alors de prétendre s'auto-contrôler. Ou activer parallèlement à un gouvernement sur un programme du président contre un gouvernement dans lequel on a ses ministres chargés de la réalisation du même programme présidentiel ! Notre interlocuteur se place bien au-delà de l'alliance présidentielle qu'il considère comme une coalition politique qui devra tôt ou tard disparaître. Stratégie anti-Ouyahia ou le scénario de 2006 Le message est on ne peut plus clair. Il est adressé tout particulièrement au RND et à Ouyahia. Et dans ce cas, la réaction du député ancien sénateur, Seddik Chihab, trouve toute sa légitimité. “C'est une agitation. Le but est de prendre la place du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, afin de pouvoir organiser en tant que gouvernement du FLN les prochaines législatives”, dit-il. Le résultat est prévisible, selon lui. Sauf que, précise M. Chihab, ils ne pourront pas gouverner. Ce sera, d'après lui, la réédition du scénario de mai 2006 lorsque, sous la pression du FLN, Ouyahia a déposé sa démission, quitté le gouvernement et sera pendant deux ans remplacé par Abdelaziz Belkhadem qu'il remplacera à son tour. “Toute cette agitation ne vise qu'à ramener une nouvelle clientèle dans la perspective des prochaines législatives”, a souligné l'ancien syndicaliste. De son côté, le porte-parole du RND préfère la langue des chiffres pour répondre aux “gens” du FLN, leur rappelant, à titre indicatif, que leur majorité aux assemblées, APN et Conseil de la nation, est relative comme le démontre, selon lui, le résultat du scrutin pour le renouvellement du Conseil de la nation. Malgré sa majorité dans les assemblées élues, le FLN a perdu devant le RND. Vers la mort de l'alliance présidentielle ? En perspective donc, une revanche du FLN pour se réapproprier sa “légitime” majorité de première force politique du pays. Ce qui fait dire, dans l'entourage de Belkhadem, que celui-ci est beaucoup plus préoccupé, d'une part, par la reconstruction du parti sur d'autres bases et, de l'autre, la préparation des législatives de 2012 qu'il compte bien remporter haut la main. Rien que ça ! Peu convainquant, et forcément loin des véritables perspectives d'un parti politique qui ne cache pas ses intentions de reprendre le pouvoir, comme l'a si bien expliqué l'ancien député qui table sur une prochaine fin de l'alliance présidentielle. Une alliance comme une autre, stratégique, politique ou conjoncturelle, elle est vouée, un jour, à la dissolution. Cette fin dépendra, évidemment, des rapports de force, mais aussi d'autres paramètres liés à la nature du système algérien. Cela dit, reste à Belkhadem à convaincre, comme essaient de le faire ses alliés dans le Front, qu'il n'a pas d'ambition pour 2014 et que ses principaux objectifs restent la construction du nouveau FLN et les législatives de 2012. Peu plausible, d'autant plus que de l'aveu de nombreux responsables du parti, le principal objectif après la reconstruction du parti est la prise du pouvoir. Belkhadem reprend théoriquement les choses en main Théoriquement, Belkhadem a repris les choses en main, cependant, sur le terrain, les choses se passent autrement, notamment au niveau de la base qui est terriblement ébranlée par les secousses de la crise qui s'est exacerbée depuis le 8e congrès. Scission, exclusion, règlement de comptes… qui ont caractérisé l'opération de restructuration des kasmas et des mouhafadas et dont les dégâts se font encore ressentir. Le renouvellement partiel des membres du Conseil de la nation a dévoilé au grand jour la flagrante intrusion de la “chekara” dans la “bergerie” FLN, ce qui a provoqué la colère de Belkhadem qui s'est insurgé contre le comportement de certains responsables qui ont détourné le parti pour servir leurs intérêts. Aujourd'hui, tout porte à croire que le SG n'a pas beaucoup d'alternatives et encore moins de marges de manœuvre pour opérer l'assainissement promis et qui s'impose. Ira-t-il jusqu'à changer de fond en comble les structures, comme le prétendent certains militants, et les remplacer par une autre forme d'organisation qui émanera des commissions et des panels mis en place. Serait-ce ainsi la révolution au FLN ! Et la présidentielle de 2014 ? On préfère ne pas l'évoquer et axer sur ce travail pour la restructuration et la modernisation du fonctionnement du parti. Belkhadem ne serait pas intéressé par cette échéance, martèlent ceux qui le soutiennent. Au RND, on ne croit absolument pas à cela, encore moins à la capacité ou à la volonté de Belkhadem ou d'un autre responsable du parti pour un changement. C'est du “grattez et gagnez !” ironise l'élu Chihab. Et toute cette agitation est faite, selon M. Chorfi, pour faire oublier que le parti du FLN n'est toujours pas sorti de sa crise.