Contrairement au secteur bancaire qui compte déjà une quinzaine d'institutions financières étrangères en activité, le secteur algérien des assurances reste encore dans ce domaine une terre quasiment vierge. C'était le message adressé par M. Karim Djoudi voici quelques semaines encore aux participants à un forum international réuni dans la capitale belge. Le ministre des Finances réaffirmait à cette occasion la disponibilité de l'Algérie à accueillir des partenariats dans les assurances. Après un exercice de surplace qui a duré près de 2 ans, les dernières semaines semblent avoir apporté du nouveau. La volonté des autorités financières algériennes d'ouvrir le secteur des assurances date déjà de plusieurs années. En mars 2008, c'est à l'initiative des pouvoirs publics algériens qu'un contentieux vieux de 40 ans entre compagnies algériennes et françaises trouvait enfin une solution avec l'objectif d'ouvrir la voie à des partenariats. C'est déjà M. Djoudi qui fixait le cap : “Chez nos voisins marocains, le secteur des assurances représente 3% du PIB. Nous avons donc une marge de manœuvre de 2% du PIB algérien.” Dans les mois qui ont suivi la signature de cet accord, tous les ténors de l'assurance française vont dépêcher des missions à Alger pour étudier les possibilités de partenariat. Des représentants des groupes Axa, Groupama ou de la Macif vont prospecter le marché et rencontrer non seulement les assureurs algériens publics et privés mais également des banquiers et des industriels de premier plan. Engouement Dans une première étape, la démarche va se rèvéler fructueuse. Avant la fin de l'année 2008, Axa va prendre la décision de créer en Algérie deux filiales spécialisées, l'une dans l'assurance-dommage, l'autre dans les assurances de personnes. Le numéro un mondial du secteur va également conclure un accord de principe avec la BEA, première banque algérienne, dans le domaine de la bancassurance. Pour ne pas être en reste, la Macif va signer à la même époque un accord de “partenariat stratégique” avec la SAA. Les deux groupes français avaient été précédés par une filiale spécialisée de BNP Paribas, qui opérant en franc-tireur dès 2007, avait créé Cardif El-Djazaïr et s'était rapprochée de la Cnep. L'accord, signé par le Cnep et Cardif, le 27 mars 2008, exploite pour la première fois en Algérie les possibilités ouvertes par la loi sur la bancassurance. Il prévoit la distribution, à travers le réseau de la Cnep, qui dispose d'environ 200 agences et compte près de 3 millions de clients, des produits d'assurance élaborés par Cardif El-Djazaïr pour le marché local. Les produits concernés par cet accord sont essentiellement des produits de prévoyance : assurance-décès, assurance-vie ou des produits d'assurance dommage liés aux crédits hypothécaires qui constituent l'essentiel de l'activité de la Cnep. Les premiers “packages” de produits ont été mis sur le marché au 2e semestre 2009. Ce partenariat est le seul à avoir pour l'heure débouché sur des résultats tangibles avec, selon nos sources, la conclusion de plus de 4 000 contrats d'assurance-vie en quelques mois. Coup de froid… À partir de la fin de l'année 2008, l'ambiance va se refroidir nettement. L'intérêt des compagnies étrangères va se heurter à la nouvelle approche des pouvoirs publics en matière d'encadrement de l'investissement étranger. Annoncée dès le mois de décembre 2008 par les instructions de M. Ouyahia et confirmée par la LFC 2009, cette dernière va geler pendant près de 18 mois la concrétisation de tous les accords en instance. La mise en œuvre de ces accords semblait jusqu'à ces dernières semaines contrariée, dans presque tous les cas par des problèmes liés à la propriété du capital des sociétés ou à sa répartition dans les filiales dont la création a été programmée. C'est seulement au cours des dernières semaines que des informations officielles ou officieuses laissent entrevoir un déblocage de la situation. … Et déblocage Une première annonce est intervenue au mois de mai dernier de la bouche du président de l'Association des assureurs algériens, M. Lamara Latrous, qui confirmait la création prochaine d'une société d'assurance de personnes avec pour associés principaux la SAA, la Badr et la BDL d'une part, et la Macif d'autre part. Selon M. Latrous : “Avec 34% du capital, la compagnie française assurera le management de la nouvelle compagnie, alors que les entreprises algériennes en assureront la présidence du conseil d'administration.” La compagnie française s'accommode ainsi de l'obligation faite aux entreprises étrangères de s'associer à un ou plusieurs actionnaires nationaux majoritaires. Dans la même déclaration, le président de l'UAR mentionnait, par ailleurs, le groupe Axa dont la demande d'implantation en Algérie serait “en cours d'examen”. Dans les colonnes de Liberté, l'ambassadeur de France jugeait également, voici quelques semaines, le dossier “en bonne voie”. Sur ce dossier fort sensible, on ne dispose encore d'aucune information officielle. La position initiale de l'assureur français consistait depuis plus d'un an à réclamer sans succès l'agrément des deux filiales contrôlées à 100% créées en décembre 2008. C'est cette position qui aurait été, selon différentes sources, infléchie en ouvrant la voie à une solution négociée avec les pouvoirs publics algériens. Le numéro un mondial du secteur serait ainsi sur le point de conclure une association avec des partenaires algériens parmi lesquels figure la BEA dans le cadre des nouvelles règles du jeu régissant l'investissement étranger. Des interrogations subsistent, cependant, sur le nombre et la qualité des partenaires dans le cadre de la ou des nouvelles sociétés à créer. Plusieurs compagnies privées seraient intéressées par une telle association. Une option qui ne semble pas retenir l'attention d'Axa et de la BEA qui restent ses partenaires privilégiés. La nature des compagnies à créer, limitée au seul domaine des assurances de personnes ou incluant également celui de l'assurance-dommage ainsi que le prévoyait la stratégie initiale du groupe français suscite également des interrogations. Affaire à suivre.