Dans la période récente, les autorités économiques algériennes, enfin revenues en partie de leur obsession pour le secteur public industriel, semblent s'être converties, avec un retard considérable et non sans réticence, à la doctrine suivant laquelle il n'y aura pas de développement économique sans augmentation du nombre et de la taille des PME. comme souvent en pareil cas, on a commencé par les effets d'annonce. Les programmes de développement annoncés par le gouvernement donnent le vertige ; sans doute pour compenser une prise de conscience tardive. C'est la création de 200 voire 300 000 PME programmées au cours des prochaines années. Un document baptisé “Small Business Act” serait en préparation au gouvernement pour confirmer ce virage doctrinal. Plus sérieusement et plus concrètement, un dispositif d'accompagnement à la création ou au développement des PME se met en place progressivement notamment dans le domaine très sensible du financement de leur activité. La lenteur remarquable qui caractérise ce processus et le niveau de ressources mis en œuvre semblent cependant poser problème. Un dialogue de sourds Le dialogue de sourds entre les banques algériennes et les PME est un classique des rubriques économiques de la presse nationale. D'un côté, on critique, “la frilosité” des banques publiques, la culture de la garantie qui fait que “pour un crédit de 100, on réclame une garantie de 100”. Sans parler des injonctions qui font que près de la moitié des crédits des banques continuent d'être attribués aux entreprises d'Etat en dépit de la régression considérable de leur contribution au PIB. De l'autre, on met en cause l'absence de projets bancables, la forme purement familiale de la propriété des PME algériennes ou encore les réticences de leurs propriétaires en matière de transparence et de communication d'informations financières. L'investissement parent pauvre du financement bancaire L'Algérie comptait en 2009 près de 350 000 PME. La quasi-totalité est privée. Une des particularités de leur financement est qu'il s'opère essentiellement sur fonds propres ou par le biais du crédit bancaire. Le montant de ces derniers est loin d'être négligeable. Le délégué général des banques et des établissements financiers (Abef), M. Benkhalfa estimait récemment que sur “2 700 milliards de dinars de crédits à l'économie accordés par les banques en 2008, 90% sont allés aux entreprises, toutes formes confondues. Les PME représentent dans ce total 40 à 45%”. Si les crédits ne sont pas absents, on sait en revanche qu'ils sont orientés de façon excessive vers le financement des importations au détriment des activités de production. On sait aussi qu'ils financent beaucoup plus l'exploitation que l'investissement. Ce dernier est le véritable parent pauvre du financement bancaire. Un constat qui s'applique d'abord au financement du développement des PME existantes et plus encore à la création de nouvelles entreprises. C'est ce qui a suscité au cours des toutes dernières années la création ou l'annonce de la création de nouveaux instruments financiers développés de longue date dans les pays voisins ou comparables. Des fonds de garantie, des sociétés de capital risque et de leasing, un fonds national d'investissement, le paysage bancaire algérien naguère encore si peu diversifié tente de se doter depuis quelques années des outils nécessaires au financement de l'investissement des entreprises. Démarrage laborieux pour les fonds de garantie Dans ce nouveau dispositif, les fonds de garantie occupent une place importante à la fois en raison de la nature du problème auquel ils tentent d'apporter une solution et des moyens financiers dont ils disposent. Il existe actuellement 2 fonds de garantie des crédits aux PME. Le plus important d'entre eux est la Caisse de garantie des crédits d'investissement aux PME (CGCI). Créée officiellement en 2004, elle est devenue opérationnelle au début de 2008. Elle est dotée d'un capital de 30 milliards de dinars. La CGCI fonctionne vis-à-vis des banques comme une compagnie d'assurance garantissant les crédits d'investissement et indemnisant ces dernières en cas de défaillance de l'emprunteur. La LFC pour l'année 2009 a élargi le niveau maximum de cette garantie passé à 250 millions de dinars. Son directeur général, M. Ammar Daoudi, affirmait voici quelques jours que “la problématique qui se posait et qui consistait à dire que les banques n'accordaient pas de financement ou exigeaient des conditions draconiennes n'a plus droit de cité. Les banques ne peuvent plus refuser un bon projet pour absence ou insuffisance de garanties”. À condition, cependant, que les banques commerciales prennent la bonne habitude d'intégrer ce nouveau dispositif dans leurs procédures d'octroi de crédits. Ce qui est loin d'être le cas pour le moment. Après 2 années, le bilan de l'intervention de la CGCI reste modeste. Elle a accordé 461 garanties financières qui ont bénéficié à 5 banques publiques pour un total de crédits d'investissement un peu supérieur à 11 milliards de dinars accordés aux PME éligibles à la garantie financière. Des données qui sont très proches pour le FGAR créé un peu avant la CGCI pour couvrir les crédits accordés à des PME de petite taille et dont le bilan de l'activité concerne également quelques centaines d'entreprises. Développer le leasing et le Capital risque Le créneau du leasing est occupé en Algérie depuis son apparition en 2002 par un petit nombre d'institutions financières presque toutes étrangères. ALC, Société Générale, Natexis, Sofinance, Al-Baraka ou encore BNP-Paribas se partagent un marché qui reste d'une taille modeste, environ 25 milliards de dinars l'année dernière, mais qui se développe à un rythme très élevé. Les principales activités concernées sont surtout le transport et les travaux publics mais aussi des activités de production comme l'agroalimentaire ou les matériaux de construction. C'est dans le but de stimuler son développement que les autorités du secteur ont donné à la fin de l'année 2008 instruction aux banques publiques de créer leurs propres filiales spécialisées dans cette activité. C'est ce qu'elles ont fait au cours de l'année dernière, sans zèle excessif. La BEA s'est distinguée de ses consœurs du secteur public en s'associant à la fin de l'année dernière à une banque portugaise Banco Espirito Santo et à un fonds d'investissement international Swicorp pour créer IJAR Leasing Algérie qui sera doté d'un capital de 3,5 milliards de dinars. Quelques semaines plus tôt, la BNA et la BDL avaient signé un accord pour créer ensemble la Société nationale de leasing (SNL). Une démarche identique a été adoptée pour le capital risque. Cette activité quasiment inexistante en Algérie a la réputation de favoriser, notamment, la création d'entreprises dans des activités comme les nouvelles technologies. Elle est très développée dans un pays voisin comme la Tunisie où on dénombrait récemment près d'une quarantaine d'institutions spécialisées. Dans ce domaine aussi, alors que la Badr et la Cnep ont annoncé la création d'une filiale commune, la BEA a choisi de s'associer au français Siparex pour créer un fonds de capital risque doté de 50 millions d'euros. Il devrait investir dans différents secteurs via des prises de participations minoritaires dans les entreprises retenues qui pourront être aussi bien à capitaux algériens qu'à capitaux étrangers. Au total, la mise en place de ce dispositif de facilitation de l'investissement s'opère à un rythme qui fait planer de sérieux doutes sur la réalisation des objectifs affichés par les autorités algériennes en matière de création de PME. Les projets couverts par les fonds de garantie ne sont encore qu'au nombre de quelques centaines. La plupart des sociétés de leasing ou de capital risque créées sur injonction par les banques publiques ne sont pas encore opérationnelles, ni même agréées par le Conseil de la monnaie et du crédit. On s'attend à ce qu'elle rencontre en outre des problèmes importants en matière de recrutement de ressources humaines qualifiées. Questions sur les ressources du FNI Le niveau des ressources financières consacrées à ce secteur soulève également quelques interrogations. En comparaison le Fonds national d'investissement (FNI) lancé au début de l'année dernière dispose de beaucoup plus de ressources (150 milliards de dinars dès sa création, ce montant devant être porté progressivement à 1 000 milliards de dinars). La plupart des commentateurs s'attendent, compte tenu des attributions annoncées du FNI, à ce que l'essentiel de ses ressources soient consacrées au financement de projets publics. À moins que la création de ses 48 antennes régionales permettent aux PME d'en récupérer une partie pour renforcer leurs fonds propres et constituer des projets bancables. Mais dans ce dernier cas aussi, il faudra s'armer de patience, les structures elles-mêmes semblant loin d'être prêtes à fonctionner et les arbitrages loin d'être rendus.