C'est cette manie très algérienne consistant à se suffire d'un rien pour se donner des allures de grands parmi les grands qui est choquante et qui nous vaut bien des déboires. Face aux Verts, les Américains ont souffert avant d'arracher leur qualification, alors one, two, three… “On s'en souviendra, les Américains ont souffert pendant 90 minutes.” Cette petite phrase, débitée avec une fierté non contenue à l'issue du dernier match des Verts, hier, au Mondial 2010, est du reporter de l'ENTV, connu pour affectionner les envolées lyriques à pleins décibels et à longueur de match. Certes, il s'agissait de se conformer à ce qui relève de l'usage en vigueur à l'“Unique” : “positiver” en toutes circonstances. Mais fallait-il jouer au psy courant au secours de supporters désappointés et festoyer, avec une telle indécence, au moment où les Algériens étaient effondrés de dépit ? Car, en l'occurrence, les circonstances n'étaient pas particulièrement réjouissantes. L'équipe d'Algérie venait de perdre un match qu'elle se devait de gagner pour arracher un ticket pour le second tour de ce Mondial. Elle venait surtout de quitter la compétition avec un bilan pire que celui de 1986 : un petit point, deux défaites, un match nul, deux cartons rouges, zéro but au compteur et… une journaliste giflée par Saïfi (lire page 4). Il est vrai qu'à l'entame du match face au onze américain, l'espoir était déjà maigre, les Fennecs s'étant déjà mis en mauvaise posture depuis leur défaite face à la Slovénie. Il n'est pas désastreux de voir les camarades de Yebda quitter l'Afrique du sud aussi tôt. C'est là un scénario que nous vivons pour la troisième fois. One, two, three, c'est le cas de le dire… On n'avait pas tenu plus longtemps en 1982, en Espagne, malgré l'exploit de Gijon, encore moins au Mexique, en 1986 où “l'altitude et l'humidité” ne nous avaient pas empêchés de marquer un but. C'est cette manie très algérienne consistant à se suffire d'un rien pour se donner des allures de grands parmi les grands qui est choquante et qui nous vaut bien des déboires. Face aux Verts, les Américains ont souffert avant d'arracher leur qualification, alors one, two, three… Le verbe glorifiant du reporter de l'“Unique” a toutefois le mérite de décliner un certain état d'esprit national qui, on l'a vu au fil des matchs, n'épargne pas le coach des Verts : les Algériens, qu'ils jouent face à la Slovénie, l'Angleterre ou les USA, ne peuvent prétendre qu'au statut d'outsiders. Ainsi, la défaite est “naturelle”, le nul est “honorable” et la victoire, quant à elle, est un “exploit” dont on peut rêver mais… modérément, sans vraiment y croire. Cela a un nom : défaitisme. Et c'est cela qui nous tient lieu à la fois de philosophie et de tactique. D'où cette hardiesse offensive qui, dans ce Mondial, a manqué terriblement à Rabah Saâdane. À trois reprises, comme par fidélité au slogan fétiche des Algériens : one, two, three…