J'ai l'impression que nous sommes les éternels mauvais élèves. Contrairement aux idées reçues, même si elles sont le fait du révolutionnaire vietnamien, le général Giap pour ne pas le désigner, nous sommes à l'évidence les derniers de la classe. Et ce n'est pas sans raison si notre participation à la Coupe du monde fut frustrante à bien des égards. La qualification au prochain tour était vraiment à notre portée, assurés que nous étions par le soutien massif de millions d'Africains et d'Arabes qui devaient prendre, à la faveur des confrontations sportives, une sacrée revanche sur le monde occidental. Particulièrement sur ces Anglo-Saxons qui sont à l'origine de l'hégémonisme sioniste en Palestine occupée et du sort apocalyptique imposé aux peuples d'Afghanistan et d'Irak. Nous aurions dû y croire à plus forte raison lorsque la Coupe du monde 2010 a élu domicile en Afrique du Sud, un pays que l'Algérie a aidé grandement dans la lutte de libération qu'il a menée sans merci contre l'apartheid et la négation de la civilisation africaine. Une civilisation somptueusement honorée et chantée à Alger, il y a une année de cela, et qui méritait d'être dignement représentée par l'équipe nationale d'un pays dont les déboires avec les forces hégémoniques sont intimement liés au soutien indéfectible qu'il a toujours apporté aux causes justes du continent. Mais, me diriez-vous, il fallait s'y attendre… Je ne peux être que d'accord avec cette implacable constat qui reflète, on ne peut mieux cette affirmation qui, soit dit au passage, n'a pris aucune ride du président Mao Tsé-toung, consistant à dire que la culture est sur le front idéologique le reflet de la situation politique et économique d'un pays. Partie intégrante de la dynamique culturelle, le sport ne pouvait, et ne peut, échapper à cette logique car la vie d'un peuple ne peut être une chose et son football autre chose. La mémoire ankylosée a bien fait de ravages dans une société où le football a joué un rôle déterminant dans la prise de conscience nationale. Ne serait-ce qu'à travers la merveilleuse épopée du Mouloudia d'Alger et d'autres clubs musulmans, à un moment où le choix des couleurs, d'emblèmes, de symboles constituait un instrument de marquage identitaire fonctionnant, de l'avis même de Youssef Fatès, comme de véritables stigmates dont le l'option n'est nullement accidentelle. Pour cet universitaire, très au fait de la place qu'occupe le football dans la vie d'un peuple, les signes retenus – qui n'ont rien à voir avec la coloration des cheveux – sont exclusivement empruntés à l'imaginaire et au registre arabo-musulman, enracinés dans les souvenirs et l'inconscient collectif. Ainsi, les clubs sportifs participent du marquage identitaire des Algériens dans leur volonté de signifier leur ancrage culturel et de marquer les différences par rapport aux Européens. Au risque de paraître quelque peu périmé, du moins aux yeux de quelques esprits chagrins atteints de cécité politique, je ne peux m'empêcher d'imputer cet état de rupture avec tout ce qui a fait la fierté du peuple algérien, à cette mémoire devenue soudainement ankylosée aux lendemains de l'Indépendance nationale et dont le témoin n'a pas été transmis à la jeunesse. L'importance des discontinuités et des silences n'a pas eu raison de nos jeunes qui, à la faveur du recentrage patriotique vécu ces derniers temps au plan économique par le pays et de la dernière fête continentale du football, ont clamé haut, avec la générosité qui les caractérise, leur irréfragable attachement à une Algérie souveraine, à l'emblème national qu'ils brandissent avec une immense fierté, ici comme en France, en Grande-Bretagne, au Canada et aux Etats-Unis, là où ils se trouvent. Cette leçon, Saâdane et Raouraoua ne semblent pas l'avoir retenue… A. M. [email protected]