Une autre casserole pour le président français. L'Union pour la Méditerranée (UPM), qu'il a créée voilà deux années, est toujours dans ses cartons. Le 13 juillet 2008, la veille de la fête nationale française, Nicolas Sarkozy se voyait dans la cour des super grands en réunissant autour de lui, au palais de l'Elysée, les dirigeants d'une quarantaine de pays de l'UE et des rives sud et est de la Méditerranée. Le président français, dont l'ego n'a pas arrêté de faire les choux gras de la presse de son propre pays, pouvait enfin regarder dans le blanc des yeux ses pairs américain, chinois, russe et la chancelière allemande. L'UPM, qui avait mal démarré, car bien qu'initiée par Paris, elle a été recadrée par Berlin et Bruxelles, est aujourd'hui dotée d'un organigramme, de responsables et d'un cahier des charges, mais elle n'a pas décollé et rien ne le laisse envisager. Dans le fond, son décollage tardif et sa condamnation à ne faire que du surplace étaient programmés dès le départ. L'intérêt de l'UE pour ses voisins du Sud avait diminué depuis plus d'une décennie, à commencer de la part de la France. Et le président de ce pays, qui piaffait d'impatience de marquer des points sur les scènes européenne et mondiale, a lancé son projet sans préparation sérieuse, ne tenant pas compte du contexte peu porteur en imposant au cœur de son union Israël, sans condition aucune. Sarkozy, comme l'avait si bien relevé Alger, n'avait pas tiré leçons des essais de rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée, lancés depuis les années 1970 pour créer des relations plus intenses entre les deux rives de la Méditerranée, le Dialogue euro-arabe (1973-1990), le Dialogue 5+5 (1990…), le processus de Barcelone (1995) réunissant l'UE et 12 pays méditerranéens pour instaurer une zone euro-méditerranéenne de paix, de stabilité et de sécurité fondée sur le partenariat. Dix ans après, le processus de Barcelone n'avait atteint aucun de ses objectifs stratégiques et, pour tenir en haleine ses partenaires du Sud, Bruxelles a inventé en 2004 la Politique européenne de voisinage. Les accords d'association et plans d'actions conclus avec les voisins du Sud témoignent plutôt d'une volonté européenne à fermer son espace, et les quelques compromis accordés ici et là sont particulièrement déséquilibrés. La circulation des hommes du sud vers le nord est restreinte, combattue sévèrement, tout comme les produits par ailleurs. Sarkozy, dans la foulée de ses promesses électorales, a donc accouché de son UPM pour construire un destin euro-méditerranéen commun, en s'inspirant de l'UE, se défendait-il. Hors de question de se substituer aux initiatives existantes et encore plus de recourir aux fonds communs de l'UE, lui ont notifié les membres de cet ensemble. Sarkozy ravale ses prétentions, le projet sera porté par les 27 de l'UE, y compris les nombreux non riverains de la Méditerranée. Fondu dans la boîte à outils communautaire de Bruxelles, le projet euro-méditerranéen a perdu sa substance. L'UPM n'est plus qu'une relance du processus de Barcelone. Ce qui était présenté par Sarkozy comme sa grande vision pour sortir des sentiers battus des politiques trop centrées sur le commerce est tout bonnement transformé en un projet édulcoré. Paris, qui a assuré l'ingénierie du projet, a dû inventer, faute de candidats crédibles. Le 13 juillet 2008, le sommet de Paris pour la Méditerranée installe l'UPM avec l'absence de la Libye qui a critiqué violemment ce projet, en dépit de toutes les couleuvres avalées par Paris lors de la visite de Kadhafi en décembre 2007. La présence du président syrien Bachar al-Assad accapare l'attention des médias. Heureusement pour l'hôte français, dont le sommet a accouché d'une souris. Six projets qui ne sont pas inédits : environnement (dépollution de la Méditerranée), transports (des autoroutes maritimes et terrestres en attendant les échanges des biens et la liberté de mouvement des personnes), catastrophes naturelles, soutien aux énergies alternatives, notamment solaire, éducation (université euro-méditerranéenne qui aura son siège en Slovénie), économie, via le développement des affaires, à travers un mécanisme de soutien aux PME. Rien de spécifique alors que la nouvelle union compte 43 membres à part entière, soit 4 pays de plus que le partenariat euro-méditerranéen, auxquels s'ajoute la Ligue arabe qui a obtenu d'y participer de plein droit après de difficiles tractations diplomatiques. L'emplacement du secrétariat général de l'UPM, après avoir fait l'objet d'une controverse, est installé à… Barcelone, pour rappeler que rien n'a changé. Son secrétaire général, un Jordanien, n'a été installé dans ses fonctions que 19 mois après le sommet de Paris… Le Jordanien est entouré de six adjoints : Israël, Autorité palestinienne, Italie, Grèce, Malte et Turquie. L'attribution d'un secrétariat général adjoint à Israël est le résultat des efforts diplomatiques de Bernard Kouchner, le ministre des AE de Sarkozy. Et l'UPM en est restée là malgré de multiples efforts de la France de la sortir de son gel. Evidemment, Paris parle de contexte financier peu favorable. Le sherpa de Sarkozy, le SG de l'Elysée, n'arrête pas de brandir la crise financière “qui a commencé à produire, dès l'automne 2008, de redoutables effets économiques et sociaux”, pour expliquer pourquoi les flux dinvestissements directs ont diminué en Méditerranée du Sud. Mais alors pourquoi la concertation peine à décoller. Le SG de l'Elysée se fait muet car, à l'origine du blocage, la guerre conduite par Israël dans l'enclave palestinienne de Gaza qui est survenue le 27 décembre 2008 lorsque l'UPM était en phase de démarrage. La France, conceptrice de cette nouvelle association euro-méditerranéenne n'a pas condamné l'agression israélienne. Sarkozy s'était contenté de proposer “une trêve humanitaire de 48 heures, le 31 décembre 2008, qu'Israël avait refusée”. Les travaux de l'UPM ont repris au printemps 2009 pour se voir de nouveaux reportés sine die. L'assaut des commandos israéliens contre une flottille cherchant à forcer le blocus de Gaza, le 31 mai 2010, a impacté le processus. Au final, les projets sont au point mort et pour donner l'illusion de progression, la France organise de temps à autre un séminaire sur son bébé. À la veille de son premier anniversaire, la Commission de Bruxelles fait un geste : 72 millions d'euros pour soutenir… le fonctionnement du secrétariat de l'Union ! C'est tout dit.