Le secteur de la santé, parce qu'il touche à la vie humaine, revêt un caractère sensible à la limite du sacré. Comment expliquer alors l'accumulation de nombreux et multiples problèmes ainsi que les retards considérables qu'il accuse par rapport aux immenses besoins de la société. est-il pas, aussi, malade de son instabilité ? Quand on sait que sept ministres se sont succédé en moins de dix ans à la tête de ce département, l'on comprend aisément que la continuité et la cohérence dans l'action ne sont pas toujours évidentes, surtout en l'absence de tout dialogue et de toute concertation avec les professionnels et les praticiens de la santé publique. Parmi les contraintes généralement identifiées par les experts et auxquelles demeure confronté ce secteur, les plus saillantes sont la vétusté des équipements, l'insuffisance en lits, le déficit en ressources humaines qualifiées, la non-disponibilité de médicaments, les disparités inter et intra régionales dans les conditions d'accès aux soins, et dans l'affectation des spécialistes, l'absence de dialogue avec le partenaire social, particulièrement relevée sous l'ère Barkat. Cet “autoritarisme stérile” déjà testé dans d'autres secteurs, n'est certainement pas de nature à créer les conditions de sérénité et de communication avec l'ensemble des acteurs en présence, pour le lancement de l'ambitieux plan de développement 2010-2014. La saignée de spécialistes dans différentes disciplines qui ont opté, à leur corps défendant, d'exercer sous d'autres cieux (ils seraient selon certaines sources plus de 10 000) n'aura donc pas suffi aux responsables du secteur de réfléchir aux causes de ces pertes sèches pour le pays, sachant le coût ainsi que la durée de formation d'un spécialiste supportés par la collectivité nationale. Pourtant, et tout récemment encore, le président de la République, au cours du conseil des ministres tenu le 11 mai 2010 consacré à la contractualisation des soins dans les hôpitaux avec les mécanismes de la Sécurité sociale a clairement appelé à la mobilisation de tous : “Le droit à la santé constitue un des droits fondamentaux des citoyens et dont elle entend désormais améliorer davantage la qualité de la maîtrise des coûts. C'est là un défi que nous devons relever avec la participation de tous, car il y va de la pérennité de notre système national de santé publique et de sa gratuité”. Par ailleurs, au plan de la gestion, le Conseil des ministres du 13 Avril 2009, consacré au diagnostic du secteur de la santé et à la définition des objectifs à atteindre ainsi que les actions à mettre en œuvre, a, pour la énième fois, tiré la sonnette d'alarme et préconisé des mesures d'impulsion : “Une réforme profonde du système de santé qui vise des objectifs précis dont notamment le rapprochement de la santé du citoyen, la hiérarchisation des soins, la réhabilitation de la prévention et des soins de base, la prise en charge de la transition épidémiologique, la levée des disparités géographiques et le développement progressif de la qualité de service”. Le même conseil des ministres a décidé de la densification et de la réhabilitation des structures de santé, de la mise à niveau des plateaux techniques et de l'ouverture de l'investissement hospitalier au secteur privé national et étranger. Faut-il rappeler qu'en avril 2005, Abdelatif Benachnou, ministre des Finances de l'époque, lors d'une rencontre autour du système national de santé, s'était livré à un réquisitoire des plus sévère sur le mode de gestion de la santé publique en s'interrogeant sur le comment “assurer un financement compatible avec les niveaux de soins que l'on veut donner tout en respectant les règles d'une bonne gestion macroéconomique ?” Selon lui, sur les 5 milliards de dollars qui étaient alloués à ce secteur, 65% étaient destinés aux ressources humaines, 20% pour les médicaments et 15% pour les équipements, ce qui représentait 8% du PIB. Dans son intervention, il n'avait pas manqué de relever les faiblesses de fonctionnement du système. “En dépit des moyens importants alloués, le rendement reste faible, la qualité défaillante, les conditions d'accueil et de séjour des malades sont mauvaises et les attentes au niveau des plateaux techniques sont longues”, disait-il en substance. Cependant, et malgré toutes ces contraintes, la santé publique en Algérie a enregistré des progrès notables. Ainsi, les indicateurs démographiques font apparaître une baisse de la mortalité maternelle, infantile et une augmentation de l'espérance de vie. En revanche, les indicateurs épidémiologiques révèlent une hausse des maladies non transmissibles (hypertension artérielle, maladie cardiovasculaires, diabète…). Une enveloppe de 619 milliards de dinars pour la santé dans le plan quinquennal Ce type de pathologies serait dû aux progrès économique et social réalisés par la société algérienne, qui tend à être confrontée aux mêmes pathologies que les pays développés. L'espérance de vie des Algériens se rallonge et les structures d'accueil en milieu hospitalier des personnes âgées continuent de manquer cruellement et, dont les conséquences dans certains cas, se traduisent par la transgression du respect de la dignité humaine. Devant “l'incurie” qui caractérise le mode de gestion de ce secteur vital, les couches moyennes et les nantis se tournent vers un secteur privé, utile, mais qu'il faut développer et encadrer par des cahiers de charges rigoureux, notamment au niveau de l'éthique et la déontologie afin d'éviter les pratiques mercantiles aux dépens de la vie humaine. En tout état de cause, les pouvoirs publics semblent décider à prendre le “taureau par les cornes” au regard du programme de développement 2010-2014 du secteur de santé. Une escarcelle financière de 619 milliards de dinars a été dégagée pour la réalisation de 172 hôpitaux, 45 complexes spécialisés de santé, 377 polycliniques, 1 000 salles de soins, 17 écoles de formation paramédicale et plus de 70 établissements spécialisés pour la prise en charge des handicapés. Il est à souhaiter que notre système national de santé, une fois réhabilité à travers notamment le renforcement et la modernisation de ses structures et la maîtrise de sa gestion, retrouve sa crédibilité, souvent mise à mal par le recours de nombreuses personnalités politiques nationales à des soins à l'étranger.