Les projecteurs de la Coupe du monde de football éteints, l'Afrique du Sud qui les organisé doit procéder à ses comptes. Quel gain sera-t-il retiré de cette plus importante compétition planétaire. Le spectacle le plus regardé ? Pour le président sud-africain Jacob Zuma, les investissements consentis par son pays pour accueillir le Mondial sont un succès économique. “Nous pouvons sans problème dire que nous avons de bons retours sur nos investissements”, a-t-il déclaré au Cap, peu avant le finale entre deux pays européens, en référence aux 4 milliards d'euros dépensés. “L'investissement dans les stades a créé environ 66 000 nouveaux emplois dans le bâtiment. Les 1,3 milliard de rands dépensés pour la sécurité ont permis de recruter 40 000 nouveaux policiers et policières”, a-t-il précisé. Voilà pour le côté officiel. Pour les prévisions. Les estimations des dépenses engagées au plan national et provincial sont estimées à 40 milliards de rands. Ces dépenses ont essentiellement servi à la construction ou à la rénovation des infrastructures, en particulier stades et routes. On estime que la tenue de l'événement pourrait donner un bonus de 0,5% à la croissance, grâce aux 350 000 touristes. La Coupe du monde a été un grand enjeu pour l'Afrique du Sud. Et pas uniquement d'ordre footballistique. Aucun chroniqueur sportif n'avait sérieusement envisagé une victoire de l'équipe nationale des Bafana Bafana, nul ne s'était aventuré à pronostiquer un miracle comme en 1995 quand les Springboks ont remporté la victoire finale de la Coupe du monde de rugby. Les Bafana Bafana ont eu une prestation acceptable qui a satisfait les joueurs, leurs supporters et tous les Sud-Africains. Par contre, en termes d'image, le pays de Mandela a énormément gagné. L'Afrique du Sud s'est réinvitée dans le monde, via les télévisions et les milliers de supporters étrangers, essentiellement occidentaux, qui s'y sont rendus pour soutenir leur équipe et visiter le pays de la nation “arc-en-ciel”. Ce n'est pas rien, car l'Afrique du Sud a, après l'euphorie des années Mandela, véhiculé une image plutôt terne : montée de l'insécurité, corruption et exacerbation de la pauvreté chez les Noirs malgré les mesures de développement, dont celles relatives à la discrimination positive. Les deux successeurs du père de la nation sud-africaine, M'Beki puis Zuma, n'ont pas pu — ou su — maintenir le flambeau allumé et le pays est retombé dans des problèmes difficiles, complexes et inextricables, mettant même en cause le multiculturalisme instauré par Mandela. L'enjeu de la coupe était également, voire avant tout, d'ordre politique pour le président Zuma, la réussite des jeux pouvant conforter son gouvernement et faire oublier, pour un temps, les difficultés que traversent le pays et qui ont instauré des querelles au sein de l'Anc et avec son partenaire, la puissante confédération syndicale (Cosatu). La première puissance économique du contient africain est gangrénée, comme ses pairs du continent, par la corruption. Le luxe dans lequel vive la plupart de ses élites politiques est devenu tellement choquant que la Cosatu a demandé un examen du style de vie des dirigeants. Les affaires faisaient avant le Mondial les choux gras de la presse, des voix se sont élevées y compris au sein de l'Anc, le parti de Mandela au pouvoir, pour dénoncer la montée de politiciens avides de pouvoir et d'argent, incapables de trouver des réponses aux problèmes du pays des Sud-Africains, les inégalités, la pauvreté, le chômage et la criminalité. Les nouveaux riches noirs avouent, sans vergogne, qu'il n'y a rien de mal à être riche au milieu des pauvres ! La rhétorique et le vocabulaire révolutionnaires des autorités ne prennent plus. Les populations ont perdu patience et ne se satisfont plus des discours populistes. Tout le monde attend les prochaines élections de 2012. Les chiffres de l'emploi et de la croissance ne sont pas bons : l'Afrique du Sud a encore perdu des emplois au premier semestre 2010 qui se sont ajoutés aux 870 000 perdus l'an dernier. Le taux de chômage officiel est maintenant de 25,2% et de 32,5% si l'on ajoute ceux qui ont définitivement perdu espoir de trouver un emploi. Le chiffre le plus spectaculaire est celui du chômage des jeunes de moins de 24 ans qu'on évalue à 74%. Ce sont les jeunes qui ont le plus souffert de la récession. L'économie sud-africaine a besoin de main-d'œuvre hautement qualifiée alors que la part de main-d'œuvre peu qualifiée a diminué de 36% depuis les années 1960. Les jeunes qui arrivent sur le marché du travail ne sont pas assez qualifiés. Pourtant, la croissance est de 4,6%, ce qui met en évidence que croissance et emplois ne sont pas mécaniquement liés et que l'économie sud-africaine est en proie à une crise profonde. La Cosatu ne partage pas l'optimisme de Zuma qui a dit que la Coupe du monde va donner un coup de pouce à l'économie de son pays. L'effet Coupe du monde risque d'être très éphémère et beaucoup d'économistes sont inquiets de la situation.