Chacun dans son style, Moscou et Washington ont confirmé l'échange d'espions, le plus spectaculaire et le plus important qui ait jamais eu lieu même en pleine guerre froide. Onze citoyens russes arrêtés aux Etats-Unis pour espionnage au profit de la Russie ont été échangés contre quatre personnes détenues en Russie pour espionnage au profit de l'Occident en général et des Etats-Unis en particulier. Parmi les détenus libérés par Moscou, se trouve Igor Soutiaguine, un expert en armes nucléaires soupçonné d'avoir transmis des informations à la CIA. L'échange s'est déroulé sur le tarmac d'un aéroport de Vienne, en Autriche, selon un scénario digne des films d'espionnage de série B. Dans ce genre d'affaires, la Chine est intéressée au plus haut point. C'est pourquoi le Quotidien du peuple, une publication chinoise à grand tirage, donne des détails croustillants sur l'échange. Deux avions ont quitté l'aéroport de Vienne, chargés de quatorze espions, dans l'après-midi de vendredi, selon cette publication. Les deux avions, l'un de Russie et l'autre des Etats-Unis, ont atterri à 11h15 ( heure locale) pour redécoller une heure et demie plus tard, après que l'échange a été conclu. Les deux avions étaient placés côte à côte, près d'un hangar en construction et “l'échange a eu lieu dans une camionnette noire”, précise le quotidien chinois. Les agences de presse russes ont confirmé l'arrivée à Moscou, vendredi à 17h50, de l'avion transportant les dix espions présumés libérés par Washington. Le département américain de la Justice a confirmé de son côté que l'échange a bel et bien eu lieu à Vienne et que l'opération a été couronnée de succès. Dans le plus pur style de la langue de bois du Soviet suprême, les autorités russes ont également confirmé l'information. Le ministère russe des Affaires étrangères a, en effet, rendu public, vendredi, un communiqué dans lequel il évoquait cet échange d'espions qui avait lieu, selon lui, “pour des raisons humanitaires et dans le cadre d'un partenariat constructif”. Les services de renseignement russes et la CIA “ont effectué un échange de dix citoyens russes accusés aux Etats-Unis contre quatre personnes condamnées auparavant en Russie, en accord avec les législations russe et américaine”, croit devoir encore préciser le communiqué. Les autorités de Moscou ont reconnu auparavant que les personnes arrêtées aux Etats-Unis après une opération menée par le FBI étaient effectivement des citoyens russes, mais démentaient qu'elles aient agi contre les intérêts américains. Pour le FBI, par contre, il s'agissait d'une cellule d'espionnage de onze personnes, le onzième suspect ayant disparu après avoir été appréhendé et libéré sous caution à Chypre. Officiellement, les dix suspects russes arrêtés aux Etats-Unis ont plaidé coupable et ont accepté de ne plus jamais se rendre sur le territoire américain. De même, les quatre condamnés libérés par la Russie auraient reconnu leurs “crimes” et demandé leur grâce au président Medvedev. C'est ce qui prouve que même si toute l'histoire ressemble à un vaudeville, il s'agit bel et bien d'un échange d'espions. Et, comme par hasard, l'affaire a éclaté juste après la dernière visite de Dimitri Medvedev à Washington, ce qu'ont regretté publiquement les services américains. En fait, les deux capitales veulent minimiser le scandale pour ne pas compromettre la dynamique de détente entre les deux pays. Surtout qu'entre Medvedev et Obama, c'est presque la lune de miel, comme en témoignent leurs huit tête-à-tête en moins d'un an et demi. Tant et si bien que tout cela ressemble à une farce. Il est vrai qu'on est loin du temps où la tension entre les deux puissances était telle que le monde a frôlé la déflagration nucléaire. Aussi, la deuxième guerre froide n'aura pas lieu.