Les arrestations d'espions russes présumés aux Etats-Unis sont «infondées» et «mal intentionnées» et renvoient à l'époque de la Guerre froide, a déclaré mardi le ministère russe des Affaires étrangères. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a réclamé hier des explications à Washington après l'annonce du démantèlement, aux Etats-Unis, d'un vaste réseau d'espionnage présumé au profit de Moscou, une affaire embarrassante en pleine relance des relations russo-américaines. «On ne nous a pas expliqué de quoi il est question. J'espère qu'on nous l'expliquera», a déclaré, depuis Jérusalem, M.Lavrov, selon des images retransmises à la télévision russe. Il a ensuite ironisé sur le calendrier de l'annonce des arrestations de dix espions présumés, celles-ci intervenant quelques jours seulement après une visite aux Etats-Unis du président Dmitri Medvedev qui travaille avec son homologue Barack Obama à la relance des relations russo-américaines. «Le moment, où cela a été fait, a été choisi avec une élégance particulière», a relevé le chef de la diplomatie russe. La semaine dernière encore, MM.Medvedev et Obama avaient pris soin d'afficher une bonne entente lors d'une visite du président russe aux Etats-Unis. Se montrant détendus voire complices, ils étaient allés manger devant les caméras des cheeseburgers, dans un restaurant près de Washington. Cinq des dix personnes arrêtées dimanche aux Etats-Unis dans le cadre de la rocambolesque affaire d'espionnage ont comparu, lundi à New York, devant un juge fédéral qui a ordonné leur maintien en détention provisoire. Une personne reste en fuite. Poursuivis pour espionnage et, pour neuf d'entre eux, pour blanchiment d'argent, les suspects risquent jusqu'à 25 ans de prison, cinq ans pour la plupart, selon un avocat. Ils disent être Américains, Canadiens ou Péruviens, selon les deux plaintes déposées contre eux et qui ne précisent pas leur nationalité réelle. Hier, le ministère russe des Affaires étrangères a jugé contradictoires les informations diffusées sur ce scandale digne de la Guerre Froide, à en croire la justice américaine. «Il y a beaucoup de contradictions, nous tirons les choses au clair, nous menons une enquête», a déclaré un porte-parole de la diplomatie russe, Igor Liakine-Frolov. Le Service de renseignement extérieur (SVR), au premier rang des accusés selon les autorités américaines, s'est refusé à tout commentaire. Le Kremlin n'a pas voulu dans l'immédiat se prononcer, estimant que seul le chef de l'Etat était à même de s'exprimer sur un tel sujet. «Si Dmitri Anatolevitch (Medvedev) juge nécessaire de dire quelque chose, le seul commentaire qu'il y aura sera le sien», a indiqué un porte-parole de la présidence russe. La justice américaine a expliqué que les suspects avaient été formés par le SVR pour s'immerger dans la société afin d'«obtenir des informations» en «infiltrant les cercles politiques américains». Le démantèlement du réseau est l'aboutissement de dix ans d'enquête du FBI. Les enquêteurs ont découvert un arsenal de moyens de communications, comme une technique de codage de données dans des photos ensuite diffusées sur des sites Internet anodins, ou des radios à ondes courtes pour contacter directement Moscou. Le SVR est le successeur de la mythique Première direction générale du KGB, le service de renseignement extérieur de l'URSS dont est notamment issu l'ex-président russe et actuel Premier ministre Vladimir Poutine. Le contre-espionnage et le renseignement intérieur sont confiés depuis la chute de l'URSS et la disparition du KGB au Service fédéral de sécurité (FSB), dont M. Poutine a été le directeur de 1998 à 1999. Ce dernier devait rencontrer hier à Moscou, l'ex-président américain Bill Clinton, mais les deux hommes ne parleront pas de l'affaire d'espionnage, selon le porte-parole du Premier ministre russe, Dmitri Peskov, cité par Ria Novosti.