La victoire retentissante de Djabir Saïd Guerni au championnat du monde du 800 m, dimanche au Stade de France de Paris devant des ténors donnés super favoris par les spécialistes, est le fruit d'un travail de longue haleine mené par lui et son père, depuis notamment les jeux Olympiques, où il avait occupé la 3e position. Conscient des difficultés qui les attendaient, lui, son fils et athlète, l'entraîneur Zine El-Abidine avait toujours les championnats du monde de Paris dans la bouche. “Il ne faut pas oublier que les championnats du monde auront lieu à Paris où on doit gagner et faire monter les couleurs nationales”, nous a-t-il déclaré à plusieurs reprises et à chaque fois qu'on évoquait avec lui les objectifs de son athlète. Par cette fixation, la famille a su comment gérer la préparation et la compétition précompétitive pour éviter le coup de la blessure d'avant le mondial d'Edmonton. Discret et surtout peu bavard concernant la préparation technique de son athlète, M. Zine El-Abidine a toujours mis au devant l'intérêt national, même quand il s'agissait de meeting. Loin de courir derrière de l'argent, Djabir a de tout le temps privilégié le volet participation où il était question de défendre les couleurs nationales, soit les compétitions officielles. Aussi, depuis le mondial de Séville en Espagne, en 1999, où il avait arraché la médaille de bronze, Djabir se faisait un devoir d'honorer ses engagements auprès de l'opinion sportive et… des pouvoirs publics. Du mondial de Séville en passant par les jeux Olympiques de Sydney, Djabir est arrivé avec un capital expérience ; la manière avec laquelle il avait concouru la série et la demi-finale le démontre amplement. Victoire en série. Djabir s'est laissé, avec certainement la complicité de son père, battre en demi-finale pour ne pas trop attirer les regards sur lui. Une tactique payante, surtout sur une épreuve aussi difficile que le 800 m dont l'athlète a pris le soin de visionner et de re-visionner les séries et les demi-finales. La discrétion a énormément joué en faveur de notre champion pour lequel peu de crédit a été accordé par les participants et même la presse sportive spécialisée étrangère présente à Paris, et qui ne l'avait pas mentionné parmi les postulants au podium ; et sa 13e place au classement de l'IAAF avec un total de 1 271 points loin derrière le Danois Kipkleter (1 345 points) ne plaide pas en sa faveur. La discrétion a été d'ailleurs l'arme de la famille Saïd Guerni, qui a préféré travailler loin des feux de la rampe durant toute une saison entamée après une saison précédente pleines de bobos et de problèmes de santé. “Laissez-nous travailler tranquillement”, aimait à lancer, en direction de certains membres fédéraux, M. Zine El-Abidine qui avait entraîné son athlète durant une bonne partie de la saison estivale sur la piste annexe de la cité olympique à Alger. Il voulait être loin des regards pour revenir petit à petit comme il avait d'ailleurs signé avec une des dernières positions du meeting de Lausanne en Suisse avec un chrono de 1:44'27 et une seconde place lors du meeting international de la Sonatrach à Alger en 1:45' 66 derrière le Marocain Amine Lahlou, avant d'arriver à Paris avec une victoire signée à Zurich en 1 : 44' 60. La victoire de Jabir Saïd Guerni vient de remettre en cause la gestion de la fédération et même de toute la politique sportive nationale, car arrachée par la force du travail presque limité au groupe sans l'aide de la structure fédérale. En quoi la FAA a contribué dans le titre mondial du 800 m et bien d'autres, à part tenter de suivre de loin les déplacements de l'athlète lors de ces stages à l'étranger ? Le poste de directeur des équipes nationales est-il nécessaire au niveau de la Faa ? La victoire de Guerni, arrachée alors que le poste du den est vacant plaide pour la négative. Ainsi, il est évident que le plus important c'est de mettre les moyens à la disposition des athlètes de l'élite et de les laisser travailler avant de leur demander des comptes à la fin de chaque saison. Un comité national restreint composé de techniciens multidisciplinaires chargé du suivi de l'élite national fera l'affaire et pourrait conduire plusieurs sportifs vers la conquête des titres nationaux. La médaille d'or de Mohamed Allek sur le 400 m des handicapés (ime 134) à Paris même et celle du judoka Sid Ali Lamri aux jeux et championnats du monde des mal-voyants au Canada témoignent de la nécessité d'une prise en charge rigoureuse de l'élite, loin des intérêts mesquins de voyage et autres bricoles. En effet, et selon plusieurs observateurs sportifs, la pratique de performance souffre un manque d'encadrement adéquat en mesure de propulser nos athlètes sur le podium mondial. “Plusieurs athlètes d'élite, soulignent ces observateurs, dépassent en connaissance techniques leurs entraîneurs.” Pour être au rendez-vous des jeux d'Athènes, l'élite nationale a tout juste le temps de se préparer avec comme halte les Jeux africains (octobre 2003) et les Jeux sportifs arabes (2004). M. A.