Sans trop de bruits et de tapage, Djabir Saïd Guerni est arrivé comme sur la pointe des pieds aux championnats du monde d'athlétisme de Paris d'où il repart avec une médaille d'or à son cou à la grande surprise de tous et à la grande joie de ses fans et… de tout un peuple qui, par moment, avait perdu l'espoir d'entendre retentir Kassaman au stade de France de Paris. Avec l'élimination de Abderahmane Hammad à la hauteur en raison d'une blessure au talon et la piètre prestation de Baya Rahouli au triple saut (11e), tous les espoirs reposaient sur les épaules de Djabir qui était au fond de lui convaincu de la victoire ou du moins du podium. “L'or ou rien”, aurait-il confié à ses proches après la demi-finale. Dimanche 31 août 2003, à 14h 30, une journée et un horaire qui viennent s'ajouter à tant d'autres moments forts du sport national, comme ce fameux 16 juin 1982, car Djabir Guerni vient une nouvelle fois marquer de son empreinte les championnats du monde du 800m, comme lors des jeux Olympiques de Sydney. Sur la ligne de départ de ce fabuleux 800m, Djabir avait donné des signes d'assurance en exécutant les mêmes gestes de ses mains pour saluer devant la caméra de la télévision, à sa manière, sa mère, sa fiancée, sa famille, ses fans et… tous les algériens. Très sûr de lui, il entame la course au 8e couloir, difficile position pour venir se rabattre sur la lice juste en seconde position derrière le danois Wilson Kipketer qui menait la course, sur un rythme assez lent. 200m bouclés en 24.56 et les 400 en 40.52, toujours sous la conduite du Danois, avant de voir sortir comme un bolide le Russe Yuriy Borzakovsky, qui a tenté une sortie concluante vers l'extérieur de la course pour se rabattre vers l'intérieur sur la ligne droite de l'arrivée. Collé à ses basques, l'Algérien, porté par une bonne partie des spectateurs du stade, a su comment puiser du fond de lui-même pour venir, sur la ligne d'arrivée, à terme des efforts colossaux de dépasser avec “un casser” intelligent, d'un cheveu, le Russe qui n'a pu éviter une chute juste sur la ligne. Pas sûr de sa victoire, Djabir était à la recherche de l'écran géant du stade, espoir de voir la répétition, avant que d'autres concurrents ne viennent le féliciter de sa victoire, et qu'une chambrée d'algériens ne le congratule, alors qu'il avait toujours l'esprit accroché à la course durant laquelle il redoutait une course d'équipe des sud-africains en lice. Les chronos affichés donnent largement l'Algérien en tête en 1'44”81 contre 1'44”84 pour le Russe et 1'44”90 pour le Sud-Africain Mulandzi Mbulaeni. Après la victoire, la pensée de l'athlète, très reconnaissant, est allée à ce merveilleux public du stade de France qui l'avait soutenu lors de ses efforts dans la ligne d'arrivée. “Si je suis champion, c'est surtout grâce au public qui m'a soutenu”, a-t-il déclaré à la presse sur place, ajoutant qu'“il y a des milliers d'Algériens qui vivent en France, il était important que je gagne une médaille ici que j'offre à tous mes compatriotes”. Trois centièmes de seconde ont été suffisants pour notre champion afin d'arracher cette place de champion, un titre qu'il s'était fixé depuis longtemps comme objectif et pour lequel il avait travaillé durement sous la direction de son père et entraîneur M. Zine El-Bidine. Ces championnats du monde ont démontré notamment la maturité de l'athlète à ce niveau de la compétition durant laquelle il a su comment gérer ses concurrents en se faisant souvent oublier pour ne pas trop être directement “pris en charge”. M. A.