Que l'importance soit dans ton regard et non dans la chose regardée. Des études attestent que la dépression est génétique et se déclenche lorsque les conditions sont propices à sa manifestation. Certains psychologues disent que la psychologie repose sur un a priori implicite qui suggère que “plus la vie est dure, plus on a de chances de faire une dépression”, ce qui n'est pas certain du tout, selon Boris Cyrulnik. Plus la vie est dure, plus on a de chances de la trouver dure. En se baladant dans les rues des grandes villes d'Algérie, je me rends compte du nombre de personnes qui sont tristes et nerveuses. Le cas des transports en commun est illustratif : lorsqu'on prend le bus, au moindre geste, le receveur fait tout un spectacle, tant et si bien que les utilisateurs en sont souvent épuisés. Cet exemple n'est pas un indicateur de dépression, mais il révèle la souffrance de ces personnes. À force de l'intérioriser, cette souffrance peut devenir effectivement un environnement propice à la dépression, surtout si la personne est génétiquement prédisposée. (Des études tendent à montrer que la dépression est génétique et se déclenche lorsqu'elle trouve le milieu propice à se développer : environnement violent, alcoolisme, etc.). Le courant cognitif est bien connu dans les pays anglo-saxons. Il est mieux validé scientifiquement. Il s'intéresse à l'ensemble des processus de réception, de traitement, d'analyse des informations et des réponses, qu'elles soient verbales ou comportementales, formulées par le sujet. La cognition fait référence à la mémoire, la vigilance, l'attention, l'apprentissage, la compréhension et les capacités d'adaptation. Le sujet va traiter les informations par le biais de ces composantes pour s'ouvrir sur un début de solution à sa problématique. Si l'une ou plusieurs de ces composantes sont défaillantes, l'information issue d'une situation sera mal perçue et par conséquent mal traitée. Ce processus érigé en modèle du “traitement d'information” est la pierre angulaire de l'explication cognitiviste des troubles dépressifs. Ce modèle est soutenu par le psychiatre américain Aaron Beck qui décrit le sujet dépressif comme possédant des schémas cognitifs qui ont dysfonctionné (distorsionnés). La dépression serait en fait un mauvais traitement de l'information, une mauvaise résolution d'équations affectives environnementales et interpersonnelles (distorsion cognitive). Le sujet dépressif se “maltraite” en traitant l'information de manière erronée. Certains de ces schémas individuels sont dépressogènes et seraient responsables des distorsions cognitives. De plus, ils constitueraient la déformation de l'information. La mémoire à long terme contient ces schémas qui sont des représentations inconscientes des expériences vécues. Leur essence et leur contenu actionnent les réponses affectives et comportementales. Le sujet dépressif a des pensées négatives répétitives qui tendent vers l'automatisation débouchant sur des images mentales imprégnées de ces schémas dépressogènes qui ont un contenu négatif faisant référence à des notions de perte, d'échec, d'inadéquation, etc. Ces schémas sélectionnent, filtrent et interprètent l'information, en donnant un sens dépressif aux événements que vit le sujet. Activé par le stress causé par les événements de vie négatifs, le schéma dépressogène conduit à des distorsions cognitives de l'information que reçoit le sujet. Le discours intérieur du dépressif est un mélange de pessimisme et de pensées noires construites sur des représentations et images mentales perturbatrices par leurs aspects sombres et sans espoir. Il existe des variations entre les femmes et les hommes, qui n'expriment pas le même ressenti face à la dépression. Pour les femmes, l'émotion principale est la tristesse, tandis que pour les hommes, c'est plutôt la colère ou l'irritabilité, teintée d'imprudence. Ces variations sont-elles innées ou acquises ? Certains neurobiologistes pensent que la chimie cérébrale de la dépression est la même chez l'homme que chez la femme, mais les normes sociales ne laissent pas les hommes exprimer leur tristesse, de sorte qu'ils ont des difficultés à décrire leurs symptômes. Un homme, souvent, préfère invoquer une baisse de performance, une dispute avec sa compagne plutôt que d'admettre qu'il est triste. Cependant, ce stade franchi, les symptômes seraient à peu près les mêmes chez les hommes et chez les femmes. Contrairement à ce qui a longtemps été admis, les influences culturelles seraient limitées sur ces différences. Comme nous l'avons souligné plus haut, de nombreuses études ont confirmé l'importance des facteurs biologiques sur l'humeur et le comportement, y compris la prédisposition à la dépression et à diverses maladies mentales. Plus exactement, ces différences seraient dues aux hormones sexuelles. Au cours du développement de l'être humain, du stade embryonnaire au vieillissement, les hormones sexuelles, surtout la testostérone et les estrogènes, jouent un rôle essentiel dans le développement cérébral et, plus tard, dans la régulation de l'humeur. La production des hormones sexuelles varie au cours de la vie. Les concentrations hormonales fluctuent d'un jour, voire d'une heure à l'autre. On observe un pic de concentration chez le nourrisson, la petite enfance, puis au moment de la puberté, et puis cette concentration diminue progressivement de la fin de l'adolescence jusqu'à l'âge de 50-55 ans. Pour les femmes, c'est l'âge de la ménopause, quand la production des estrogènes cesse. Quant aux hommes, c'est le début de l'andropause, qui s'accompagne d'une diminution progressive de la production de testostérone. Chez les hommes comme chez les femmes, les chercheurs ont observé que la diminution des concentrations de ces hormones due au vieillissement s'accompagne d'un déclin cognitif et d'une perte progressive de la mémoire. Cela dit, des études ont montré un lien entre les troubles d'humeur et les hormones sexuelles. La testostérone et les estrogènes n'agissent pas de la même façon sur les neurotransmetteurs cérébraux, notamment dans l'hypothalamus et l'amygdale cérébrale, deux régions impliquées dans le traitement de l'émotion. D'où l'importance de la prescription d'un traitement, qui correspond ou qui tient compte de cette différence. On sait désormais que la biologie de la dépression n'est pas la même chez les hommes et chez les femmes. Contrairement aux préjugés médico-sociaux, lorsqu'une femme présente un symptôme psychiatrique elle est souvent supposée souffrir d'hystérie, une maladie mentale “féminine” que la communauté médicale ne reconnaît plus. Y. H. (*) Neuropsychologue P. S. : Pour ceux qui souhaitent approfondir la question ou cherchent les références de cet article, ils peuvent me contacter via mon blog.