Le malade sort de l'hôpital après avoir reçu un traitement efficace mais, une fois dehors, il est livré à lui-même. Il ne trouve personne à ses côtés. Désormais, le tabou entourant les maladies psychiatriques est de plus en plus en passe d'être brisé. Les Algériens éprouvent moins de réticence à aller consulter un psychologue ou un psychiatre en cas de troubles psychologiques. Quel que soit le niveau social ou le niveau d'instruction, le citoyen n'éprouve plus de gêne, en cas de nécessité, à se présenter chez les médecins spécialisés afin de bénéficier d'une aide à même de lui permettre d'éviter le pire. Selon plusieurs psychiatres interrogés à Tizi Ouzou, c'est le laxisme avec lequel sont accueillies les maladies psychiques, qui conduit généralement à des complications qui rendant le traitement plus difficile et plus long. Toutefois, toutes les maladies, y compris celles qui sont considérées comme étant graves, comme la dépression nerveuse ou bien la névrose sont curables, selon le Dr Mustapha Bouzidi, psychiatre depuis trente ans et chef de service psychiatrie du Centre hospitalo-universitaire Nédir-Mohamed de Tizi Ouzou. D'autres maladies, souvent non prises au sérieux par les concernés, peuvent progresser négativement à l'exemple de l'angoisse aiguë. Cette dernière, en cas de persistance, pourrait, dans la majorité des cas, se transformer en dépression. Pourquoi alors se laisser faire et risquer d'entraîner sa vie dans un tunnel sans bout juste parce que consulter un «psy» a été pendant longtemps considéré comme tabou? Le regard des autres est-il plus important que sa propre vie et son propre destin? Lorsque l'état de santé du malade s'aggrave, ces même gens, pour lesquels il se soucie, seront-ils à son chevet pour l'aider et l'assister? Rien n'est moins évident car dans la majorité des cas, l'entourage du malade psychologique a tendance à fuir ses responsabilités et à ne pas continuer à l'assister. M.Youcef Moumeni, directeur de l'hôpital psychiatrique Fernane-Hanafi, nous a révélé que plusieurs familles de malades ne se soucient pas trop du sort de leur proche une fois qu'il a quitté l'hôpital dans un bon état de santé. «Le malade sort de l'hôpital après avoir reçu un traitement efficace mais, une fois dehors, il est livré à lui-même. Il ne trouve personne à ses côtés. C'est pourquoi, quelques mois plus tard, il rechute et revient», explique le directeur de l'hôpital Fernane-Hanafi de Oued Aïssi, qui ajoute que certains malades hospitalisés ne reçoivent pas de visite de la part des membres de leurs familles pendant des mois. En dépit de ces points négatifs, il existe à l'intérieur de cet hôpital une ambiance conviviale qui permet aux malades de suivre leur traitement, de se reposer et de reprendre leurs forces psychologiques même en l'absence de visites familiales fréquentes. D'ailleurs, témoigne M.Adjouti qui travaille dans cet établissement depuis plus de quinze ans, certains malades, une fois rétablis, refusent carrément de sortir. C'est dire que contrairement aux idées reçues, un hôpital psychiatrique est tout sauf ce qu'en pensent les gens qui n'y ont jamais mis les pieds. Au moment de notre visite, on nous a appris que les personnes hospitalisées proviennent de toutes les catégories de la société, du simple employé au professeur d'université. «Une fois soignés, ils reprennent leur vie dans des conditions meilleures que celles ayant prévalu avant de tomber malades», nous explique-t-on en insistant sur le rôle de la famille ou des proches une fois le malade sorti de l'hôpital. Le soutien à l'extérieur est une condition sine qua non pour que le malade guéri ne «rechute» pas. Le séjour à l'intérieur de l'hôpital Fernane-Hanafi est agréable car les conditions de séjour ont été améliorées depuis que l'Etat a accordé un budget plus conséquent. Selon le directeur de l'établissement, rien que pour la restauration, l'enveloppe attribuée par l'Etat est passée de 400 millions de centimes à 4 milliards de centimes. L'hygiène est également un point sur lequel veille l'ensemble du personnel. Que ce soit à l'intérieur des cantines ou dans les pavillons et les foyers ainsi que dans les différentes esplanades, la propreté est éclatante. L'un des services les plus importants de l'hôpital est appelé le service fermé. Son responsable est le Dr Ziri. Ce dernier soutiendra le 4 juillet prochain une thèse de doctorat. Son thème est d'actualité. Il a travaillé sur le phénomène du suicide dans la wilaya de Tizi Ouzou. Ces dernières années beaucoup d'encre a coulé à ce sujet. Et il s'en est trouvé même qui ont avancé que la wilaya détient le record du nombre de suicides. Le Dr Ziri, qui nous reçoit dans son bureau, récuse formellement cette thèse. «Il n' y a pas plus de suicides dans la wilaya qu'ailleurs. Sauf que notre région est très médiatisée. Ce n'est pas le cas dans les autres régions où les suicides ne sont généralement pas communiqués», explique le Dr Ziri. Ce dernier indique que l'absence de travail est la source de la majorités des problèmes psychologiques. L'oisiveté aussi. «Quand quelqu'un ne trouve pas où aller après une journée de travail, il se tourne vers la boisson alcoolisée ou la drogue. Dans une ville comme Tizi Ouzou, il n' y a aucune salle de cinéma, il n'y a pas de lieu de loisir. Ce sont des vides qui favorisent l'évolution de ces phénomènes.» Notre interlocuteur affirme que même les filles commencent à être gagnées par le problème de la consommation de la drogue et de l'alcool. Mais, quel que soit le degré de dépendance envers ces substances destructrices, il n'est jamais trop tard pour se ressaisir et ce, à n'importe quel moment. «Quand quelqu'un en formule la demande, il peut être hospitalisé pendant trois semaines et subir une cure de désintoxication efficace», rassure notre interlocuteur. En cas d'adhésion de la famille, le patient peut subir la cure directement chez lui. Mais souvent ces cas vivent des conflits de famille, c'est pourquoi les malades sont pris en charge dans l'enceinte de l'établissement. Le Dr Ziri nous a indiqué que Tizi Ouzou a bénéficié du projet d'un important centre de désintoxication. Ce dernier sera d'une grande capacité et l'enveloppe pour sa réalisation a été dégagée. Notre interlocuteur précise qu'en Algérie on assiste à une polytoxicomanie: certaines personnes ont recours aux boissons alcoolisées tandis que d'autres se réfugient dans les psychotropes comme le Valium, le Parkinal, Rivotril. D'autres sont carrément prisonniers du kif et du cannabis. Le choix du produit est souvent conditionné par la bourse dont dispose le sujet, selon le Dr Ziri. Ce sont les personnes âgées entre 20 ans et 40 ans qui sont les plus touchées par ces fléaux. Ils représentent 70%. Le Dr Ziri estime qu'à l'instar des maladies psychiques, l'alcoolisme et la toxicomanie ne sont guère des fatalités et la personne peut s'en sortir à n'importe quel moment et quel que soit le degré d'addiction. L'essentiel est qu'elle prenne conscience du danger qu'elle encourt en continuant sur cette voie. «Il y a d'anciens malades que nous prenons en charge pendant longtemps. J'ai un malade que je suis depuis deux années», ajoute le Dr Ziri. La prise en charge des malades psychologiques est facilitée dans notre pays par le système de la sécurité sociale, l'un de ceux qui avantagent le plus le malade dans le monde. Les malades hospitalisés bénéficient de médicaments gratuitement à 100%. Pour les malades externes, ils peuvent avoir des cartes qui leur permettent d'acquérir ces médicaments gratuitement dans n'importe quelle pharmacie conventionnée avec la Cnas.