Entre sacré et profane, le Ramadhan débarque. Comme à chaque année, la philosophie du “temps” ramadhanesque demeurera la chose la plus obsessionnelle chez le jeûneur musulman. Dans la langue discursive ou gestuelle comme dans le comportement général. Entre une sieste continue et un travail ensommeillé, le citoyen musulman, du Golfe jusqu'à l'Atlantique, écoule paisiblement ou avec agacement son temps ramadhanesque. Du Manama à Nouakchott, les trente jours et trente nuits se ressemblent. Les traits des gens se ressemblent. Les discours se concordent. Rien ne change. Rien n'a changé. Commençons par “le temps” consacré à la télévision. De partout, des feuilletons et des feuilletons nous harcèlent. Si, en ce ramadhan 2010, sur notre chaîne nationale, nous serons libérés de cette culture égyptienne, nous nous trouvons entre un feuilleton syrien et un autre de la Syrie ! Condamnée à cette culture visuelle aveugle, la télévision est devenue le seul “animal” qui nous parle pendant les nuits ramadhanesques. La télévision, par et avec sa culture d'image, remplace la grande ambiance que, jadis, créait “al Gawal” (le griot) sur les places publiques et dans les marchés quotidiens ou hebdomadaires. Dans les villes, les villages et les dchour. La magie du conte. Le sens, l'encense et l'essence de la joie ont changé. L'espace de la joie a changé. Le sang de la joie a changé. L'œil a bouleversé l'oreille en tant que moyen de réception du plaisir. Puis le temps de la consommation : les discours fleuves sur les bouffes. Des discours masculins et féminins sur les caractéristiques de la maïda sucrée ou salée. Sur la cigarette qui manque. Sur la zelabiya de Boufarik. Rien ne change. Rien n'a changé. Puis “le temps” des discours sur la météo. Les longues journées estivales. Il fait très chaud ! Insupportable ! Infernal ! Géhenne ! Entre le discours sur le ciel et le discours du ciel, le citoyen ne cesse de s'inquiéter sur son salaire qui n'arrive pas. Qui tarde. Qui ne suffit pas. Puis il y a “le temps” des mosquées. Dans les mosquées, des nouveaux prieurs saisonniers débarquent en ce mois sacré ! Les marchands de la religion se multiplient. Ceux qui se préparent pour des élections prochaines prient dans les premières rangées réservées aux prieurs de marque. La visibilité oblige ! Et, comme à chaque Ramadhan, il y a une nouvelle vague de jeunes filles voilées. Toutes sortes de voiles : hidjab, nikab, (al bourkoue), la burka ou je ne sais pas quoi. Celles qui sont à la recherche d'un mari. Un mâle ou un mal ! Plus de deux millions de vieilles jeunes filles en Algérie. Le Ramadhan, c'est aussi un mois de commerce. Un autre commerce. La traite contemporaine ! Quatre semaines pour “vendre” des filles enveloppées dans des nouveaux “vêtements musulmans” ! L'emballage humain ! Une culture de l'hypocrisie religieuse domine, de plus en plus, ce mois sacré. Puis, dans ce mois sacré, il y a le temps de ces stars prêcheuses. Des stars qui émettent des fetwas payantes. Enfilées dans des costumes traditionnels ou modernes, les stars religieuses, par leurs discours populistes ou kamikaziens, fascinent les milliers de jeunes. Et les gouvernements se réunissent pour parler des prix, des fraudes et des drogues ! Pour discuter les nouveaux horaires d'ouverture et de fermeture des mosquées. Jadis, la mosquée fut “La Maison d'Allah” de tolérance. En ce temps confus, quelques mosquées font peur, par les discours prononcés par leurs imams ou leurs prêcheurs, à l'image de ceux qui ont refusé de se lever en respect à l'hymne national. Kassamane ! Dans ce paysage dont les grandes valeurs sont déséquilibrées, la présence de la culture se résume dans “l'activisme immobile” dénommé “musique”. Encore et toujours des “plateaux froids” composés des soirées musicales andalouses. La répétition répétée. A. Z. [email protected]