Avant même que les débats ne soient entamés au conseil de sécurité, Paris et Berlin ont estimé que le texte US était insuffisant, car n'accordant pas d'importance à l'essentiel, à savoir le transfert de la souveraineté aux Irakiens. Pendant ce temps, le président américain prépare sa demande de rallonge budgétaire, évaluée à 70 milliards de dollars environ, pour financer la présence de ses soldats en Irak, alors que Rumsfeld cherchait à remonter le moral des troupes à Tikrit et Bagdad. Arrivé Jeudi par surprise à Bagdad, M. Rumsfeld s'est rendu, hier matin, à Tikrit (environ 120 km au nord de Bagdad) en compagnie du général de division Ray Odierno, avec qui il a rendu visite aux troupes de la 4e division d'infanterie. Jeudi soir, il a discuté avec l'administrateur civil américain en Irak, Paul Bremer, et le plus haut gradé américain dans ce pays, le général Ricardo Sanchez, de la mise sur pied de la nouvelle armée irakienne. “Ce qui est important c'est de construire une importante force irakienne”, selon lui. M. Rumsfeld a aussi défendu les “progrès” réalisés, selon lui, en Irak depuis la chute du régime de Saddam Hussein, malgré la poursuite des attaques contre la coalition, en soulignant que les problèmes de sécurité provoqués par les baâthistes et des combattants étrangers étaient inquiétants mais non insurmontables. À terme, le but est de créer une armée forte de 40.000 hommes, selon un responsable américain. “En l'espace d'une année nous devons avoir 12.000 hommes”, a-t-il dit, ajoutant que près de 60.000 Irakiens avaient déjà été recrutés dans les forces de sécurité, dont la police et les garde-frontières. Avant d'arriver en Irak, M. Rumsfeld a reconnu la nécessité d'accroître le nombre des forces de sécurité non américaines en Irak. “Est-ce que l'effectif total devrait augmenter pour la sécurité ? Oui, je le pense, mais je crois que ce sera par des contributions irakienne et internationale plutôt qu'américaine.” Quelque 130.000 soldats américains sont stationnés en Irak, de même que 20.000 hommes d'une trentaine d'autres pays, dont la Grande-Bretagne. À New York, le Conseil de sécurité des Nations unies devait discuter dans l'après-midi et pour la première fois du projet de résolution américain visant à créer en Irak une force internationale sous mandat de l'Onu. Jeudi, après un entretien à Dresde (Allemagne) avec le chancelier allemand Gerhard Schroeder, le président français Jacques Chirac a estimé que ce projet était “assez loin de l'objectif prioritaire” de la France, à savoir “le transfert de l'autorité à un gouvernement irakien”. Pour M. Schroeder, ce projet n'est “pas suffisant” et ne va “pas assez loin”. Dans un entretien publié hier par Le Figaro, le ministre des Affaires étrangères français, Dominique de Villepin, estime que le texte américain “va dans le bon sens” mais “ne prend pas suffisamment en compte la nécessité politique de redonner rapidement à l'Irak sa souveraineté”. Sur le plan sécuritaire, un Irakien de 13 ans, Omar Saâd Jassem, a été tué jeudi soir accidentellement par des tirs américains à Baâqouba, à 60 km au nord-est de Bagdad, a affirmé son père. À Ramadi, à 100 km à l'ouest de Bagdad, une patrouille américaine a été attaquée à la roquette anti-char. L'armée américaine a en outre annoncé avoir découvert dans le désert irakien plusieurs grosses caches d'armes et saisi pas moins de 12 missiles sol-air, 10.000 balles, des armes légères, et plusieurs lance-roquettes anti-chars lors d'une vaste opération lancée fin août. À Washington, la Maison-Blanche a indiqué que les chiffres de la rallonge budgétaire que le président George W. Bush comptait demander au Congrès pour l'Irak étaient encore à l'étude. Mais selon le Washington Post, la rallonge réclamée devrait se chiffrer entre 60 et 70 milliards de dollars pour financer l'occupation militaire et les efforts de reconstruction en Irak, soit deux fois plus que ce que prévoient les parlementaires. K. A./Agences Contre-espionnage espagnol “Pas de lien entre Saddam et Al Qaïda” Les services du contre-espionnage espagnol considèrent qu'il n'existe pas de lien entre Saddam Hussein et l'organisation Al-Qaïda, a déclaré leur directeur devant une commission parlementaire siégeant à huis clos, rapportaient, hier, les médias espagnols. Le directeur du Centre national d'Intelligence (CNI), Jorge Dezcallar, a déclaré lors de sa comparution jeudi que l'organisation d'Oussama Ben Laden n'avait pas de liens avec le régime du dictateur irakien et l'avait même accusé de ne pas respecter les préceptes de l'Islam. Le Chef du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, fervent soutien des Etats-Unis dans la guerre d'Irak, avait affirmé l'existence de tels liens à plusieurs reprises, notamment le 5 février au parlement. Interrogé jeudi par les députés d'opposition siégeant à la commission de contrôle des fonds secrets, le directeur du CNI a dit disposer en revanche d'éléments sur un soutien actif du régime de Saddam Hussein à des mouvements terroristes palestiniens. Quant à l'existence d'armes de destruction massive en Irak, l'une des principales motivations de l'intervention américano-britannique, Jorge Dezcallar s'est borné à indiquer que l'ancien régime irakien avait en tout état de cause “vocation” à les posséder.