Devant le peu d'empressement des “pays amis” à rallier massivement les rangs des coalisés en Irak, les Etats-Unis envisagent de rappeler dans les semaines à venir des milliers de réservistes de l'US Army pour pallier au déficit de soldats afin de pouvoir faire face à l'insécurité grandissante à travers tout le territoire irakien. Cette déclaration émane de Peter Pace, le vice-chef d'état-major des armées américaines. Elle intervient dans une période où les Etats-Unis tentaient de faire croire en leur maîtrise de la situation en Irak, en laissant entendre qu'il n'y avait aucune urgence à faire voter la nouvelle résolution onusienne sur l'Irak. En effet, après avoir affirmé, lors du dépôt du projet devant le conseil de sécurité, qu'il pourrait être soumis au vote avant la fin du mois en cours, le représentant US à l'ONU change soudainement son fusil d'épaule et déclare que le texte pouvait encore attendre, jusqu'à un mois même, car il n'y avait aucune urgence à cela. Cette position est, selon les observateurs, une réaction d'orgueil des Américains devant l'intransigeance du chef de l'Etat français, Jacques Chirac, quant au transfert rapide de la souveraineté aux Irakiens. Les rapports froids entre Bush et Chirac lors de leur rencontre durant la 58e assemblée générale des Nations unies sont sûrement pour quelque chose dans ce revirement américain. Washington veut éviter que la situation qui a prévalu lors de la présentation de la résolution autorisant l'usage de la force contre le régime de Saddam Hussein en mars dernier, contre laquelle Paris avait clairement affiché sa ferme intention d'user de son droit de veto. La maison-blanche se donne cette fois-ci le temps de tout arranger avant de présenter son texte au vote. Cette attitude contraste totalement avec les déclarations de Peter Pace, qui met l'accent sur la nécessité d'augmenter rapidement le nombre de soldats américains en Irak afin de pouvoir affronter la situation d'insécurité, y prévalant depuis la déclaration de fin des combats prononcée par George Bush, le 1er mai dernier, et s'aggrave de jour en jour depuis quelques semaines avec la recrudescence des attentats à l'explosif. S'agit-il tout simplement d'une manœuvre politicienne pour forcer la main à l'Elysée, ou les Américains cherchent-ils à montrer leur capacité à gérer seuls la crise irakienne ? Quoi qu'il en soit le département d'Etat, conscient de la gravité de la situation, est certainement en train d'échafauder d'autres plans sans tenir compte de l'aide internationale, pour régler le problème. Les estimations américaines les plus optimistes font ressortir que la force multinationale ne dépasserait pas les 15 000 hommes, tant que les trois principaux opposants à la politique US en Irak, Moscou, Berlin et Paris n'auront pas modifié leur attitude, d'où l'inévitable recours à d'autres milliers de militaires yankees pour pouvoir rétablir la sécurité dans les villes irakiennes. Pour éviter d'avoir à faire face à des situations d'urgence, le Pentagone prépare de nouvelles stratégies. K. A. Des élections en 2004 ? Les Etats-Unis veulent donner aux Irakiens un délai de six mois pour adopter une nouvelle Constitution qui déboucherait sur l'organisation d'élections en 2004, a déclaré le secrétaire d'Etat, Colin Powell, dans une interview publiée hier par le New York Times. Nous voudrions leur donner un délai. Ils ont six mois. Ce sera un délai difficile à tenir mais il faut qu'on les fasse avancer”, a-t-il déclaré, soulignant que les Etats-Unis n'entendaient pas transférer le pouvoir en Irak, avant l'élection de nouvelles institutions. M. Powell a indiqué que les autorités américaines avaient demandé aux Irakiens une estimation du délai nécessaire. “S'ils prennent une éternité à nous répondre, alors nous aurons un problème. Mais je pense qu'ils nous donneront une réponse assez rapidement”, a-t-il dit. Les propos du secrétaire d'Etat interviennent, alors que Washington cherche à faire adopter une nouvelle résolution sur le maintien de la paix en Irak à l'ONU, où plusieurs pays, notamment la France, ont demandé un calendrier précis et rapide de transfert du pouvoir aux Irakiens. M. Powell a estimé que les discussions à l'ONU progressaient pour obtenir un consensus des 15 membres du Conseil de sécurité. M. Powell a estimé que le transfert rapide de souveraineté à un pouvoir irakien non élu et donc “illégitime” ne ferait que prolonger la situation de violence dans laquelle est toujours plongé l'Irak. “Il s'agit d'ex-bâthistes” qui entretiennent cette insécurité, a-t-il dit en référence aux partisans du président déchu Saddam Hussein. “Ils s'en prendraient à un gouvernement illégitime qui n'a pas le soutien du peuple aussi facilement qu'ils s'en prendraient à nous”, a-t-il estimé. Le secrétaire d'Etat avait avancé plus tôt jeudi la même idée d'un délai de six mois dans un entretien à la télévision américaine CBS, déclarant que “(nous) sommes désireux de voir une Constitution rédigée et ratifiée dans les six mois” et en souhaitant ensuite “une période d'élection”. Evoquant dans le New York Times l'absence de toute découverte d'armes de destruction massive en Irak — dont la possession présumée par Bagdad a servi de justification à l'intervention —, le secrétaire d'Etat a reconnu qu'il “(se) serait attendu à ce que quelque chose soit trouvé”. Mais il n'est pas certain pour moi que nous ne trouverons pas les preuves que nous cherchons et qui, une fois pour toutes, feraient cesser toute controverse.” Je pense que l'Histoire jugera cette guerre comme étant justifiée, car nous avons fait tomber un régime qui avait de telles armes et n'a rien fait pour nous indiquer qu'il les avait détruites”, a-t-il déclaré.