Depuis 1968, au moins une bonne dizaine de ces repères de la mémoire communautaire ont été saccagés quand ils ne sont pas carrément rasés sur ordre de l'autorité du jour ! Il semblerait que les sites historiques et/ou archéologiques et, d'une manière plus générale, tous les repères de la mémoire collective sont comme frappés de quelque malédiction dans la mesure où ils ne cessent de faire l'objet de violation et de profanation de tous bords depuis plus de quatre décennies. Non seulement ces espaces ne bénéficient d'aucune protection, mais ils sont, dans la plupart des cas, livrés à l'action dévastatrice des riverains et complètement négligés des pouvoirs publics. Depuis 1968, au moins une bonne dizaine de ces repères de la mémoire communautaire ont été saccagés, quand ils ne sont pas carrément rasés sur ordre de l'autorité du jour ! Les habitants de cette commune au nord de Mila se souviennent encore avec amertume d'El-Arsa, cette borne fontaine monumentale qui ornait avantageusement un rond- point du centre du village et qui a disparu, comme par enchantement, un certain matin de l'année 1968. Réalisée vers l'année 1886 par les colons, dans une masse de pierre de deux mètres de haut, El-Arsa était pour les Merouaniens ce qu'est Aïn El-Fouara pour les Sétifiens. Mais, ni sa taille ni son âge, encore moins ce qu'elle représentait sur le plan affectif pour les riverains n'ont suffi pour qu'on la préserve. Et, aujourd'hui, personne, hormis les responsables de l'époque, ne sait quel sort on lui avait réservé ! Pis encore, un site archéologique datant du IIIe siècle avant notre ère a été enseveli sous des tonnes de pierres et de terre en 2004. Le site d'El-Bénia, selon l'appellation locale, situé à l'entrée-est de la localité, renfermait des trésors archéologiques inestimables, dont des pièces de monnaie à l'effigie de l'empereur romain Constantin Ier qui régna vers le IIIe siècle avant l'ère chrétienne, des colonnes de pierre d'une certaine hauteur et une extraordinaire variété d'ustensiles et de débris d'objets de l'Antiquité. Faisant fi de sa valeur historique et de tout ce qu'il représentait pour la recherche et la mémoire de la collectivité, ce phare de l'histoire de la région a été purement et simplement effacé et remplacé, tenez-vous bien, par une pépinière ! Plus près de nous encore, en ce mois d'août en cours, le plus vieux cimetière de la commune, celui de Larbaâ en l'occurrence, a été dévasté par un engin de travaux publics lors de, soi-disant, travaux d'élargissement de la route décidés par la municipalité. Un acte qui s'apparente à tous les points de vue à une profanation, puisque plusieurs tombes ont été mutilées et les ossements humains qu'elles renfermaient éparpillés ! Un scandale en somme qui en dit long sur l'inconscience de ceux qui l'ont décidé. Et les mêmes propos s'appliquent à la géante toile immortalisant “la bataille de Zaouïa du 21 novembre 1955”. Réalisé sur un support métallique d'environ 8 mètres de long sur 1,20 mètre de large, ledit tableau se trouve aujourd'hui en décrépitude, rongé qu'il est par la rouille et livré aux rôdeurs qui n'en font pratiquement aucun cas, alors qu'il est planté sur l'esplanade de l'hôtel de ville, tout juste en face de la porte d'entrée de l'APC ! Pour l'anecdote, un médecin libéral installé dans le coin nous fera satiriquement la remarque suivante : “Regardez de quelle belle manière on rend hommage ici à ceux qui sont morts pour l'Algérie !” Remarque laconique, certes, mais qui résume au demeurant très bien l'attitude irresponsable de ceux que la population a élu pour gérer son quotidien et préserver son passé et son avenir.