À la sortie d'une mosquée, devant une école, à l'entrée d'un immeuble, au rond- point… les habitants semblent êtres habitués à ce rythme, à cette situation, à ce décor, et c'est là le drame. Nous banalisons de plus en plus la saleté. Batna n'était pas sale… elle l'est devenue. Durant les années 1970 et même 1980, la capitale des Aurès était un exemple de propreté et d'hygiène. De nombreux prix ont été attribués à la ville, pour la propreté de ses quartiers et différentes cités. Mais il est bien loin ce temps où régnaient l'ordre, la discipline et le civisme des Batnéens. De nos jours, les mauvaises manières, les mauvaises habitudes ont pris place et peut-être pour longtemps. Seul le centre-ville reste relativement propre, avec les quartiers qui lui sont proches, comme des îlots de propreté. Des cités dites populaires semblent êtres abandonnées par ses propres locataires et par les services d'hygiène visiblement dépassés. On se plaignait, il y a quelques temps, de l'absence des espaces verts dans les cités-dortoirs, ces mêmes espaces sont dans leur majorité transformés en parkings sauvages et en décharges à ciel ouvert. À la cité Kéchida, à la cité Chikhi ou encore à Bouakal, la plus grande cité de Batna, d'ailleurs considérée et à juste titre comme une ville dans la ville, le décor est hélas le même. Décharges dans chaque coin de rue, et rien n'est épargné. À la sortie d'une mosquée, devant une école, à l'entrée d'un immeuble, au rond-point… les habitants semblent êtres habitués à ce rythme, à cette situation, à ce décor, et c'est là le drame, car on a banalisé la saleté. Pour comprendre ou du moins essayer de comprendre les tenants et les aboutissants d'une telle dégradation du cadre de vie, nous nous sommes rendus dans les locaux du service d'hygiène et de la propreté de la ville. Le responsable des moyens généraux, Leghouil Smaïl, a bien voulu nous recevoir et nous donner quelques explications. Le sujet inquiète effectivement les responsables du secteur, cependant ils ne se considèrent aucunement les seuls responsables de la situation, car dans ce cas précis, sans l'implication du premier concerné, à savoir le citoyen, aucune opération, aussi importante soit-elle, n'aboutira et ne donnera les fruits escomptés. À ce sujet, M. Leghouil nous précise : “Les pratiques changent d'une saison à l'autre, voire d'un quartier à l'autre. Déjà durant la période estivale, la consommation augmente, en plus du mois de Ramadhan. Dans une situation normale, les bennes-tasseuses et les éboueurs passent et ramassent, alors le problème ne se pose pas. Sauf que la majorité des citoyens font sortir leurs ordures ménagères à toute heure. Or, nous avons une organisation du travail, et nous faisons deux collectes, une le jour et l'autre la nuit ; à 21h et à 5h, sachant que 100 éboueurs et 22 camions sillonnent la ville, en plus des 20 autres camions qui appartiennent au privé. Il y a maldonne, quelque chose qui ne tourne pas rond. J'incrimine les mauvaises habitudes, et le fait que les habitants des différentes cités se débarrassent de leurs sacs-poubelles, sans se poser de question. Il faut une peu de respect, pour les gens qui font ce métier.” Ce n'est un secret pour personne que éboueur, dans le langage populaire zebbal, est péjoratif et même réducteur. En effet, les éboueurs rencontrés se plaignent énormément de ce manque de considération, qui fait que les gens se permettent des mots et des gestes déplacés. Le premier responsable du service, M. Leghouil, est dans le métier depuis une vingtaine d'années, il connaît la ville mieux que personne, mais aussi ses points noirs. Elle peut retrouver sa splendeur d'antan, il suffit d'un travail de proximité et de collaboration. Il ajoute : “Il n'y a pas de situation fatale, tout se discute et se règle. Bien sûr, si l'on s'écoute les uns les autres. Je vous donne un exemple de deux points sensibles. Les allées Mezoudj et Nezzar : il y a un nombre très important de commerçants (fournisseurs et grossistes) qui exercent dans ces deux lieux. Nous avons essayé par tous les moyens de sensibiliser les propriétaires de ces commerces quant aux horaires de passage de nos camions, peine perdue. Vous pouvez trouver des montagnes de cartons à toute heure de la journée, qui va les ramasser ?” Un vrai imbroglio pour les habitants qui ne savent plus où donner de la tête. Retour aux cités. Les citoyens interrogés, dans leur majorité, ne nient pas leur part de responsabilité. Aussi bien dans les anciennes cités, à l'exemple de celle mitoyenne avec l'oued de la cité Chikhi considérée comme la plus insalubre de la ville, ou encore à la cité Akid-Lotfi 1272-Logements, les mêmes peines, mêmes plaintes et complaintes, mais aucune solution en vue. Et pourtant, il ressort des propos des locataires que nous avons rencontrés, une volonté et le souhait de retrouver un cadre de vie plus sein. À quelques mètres des logements de la cité, un bac à ordure surchargés est pris d'assaut par un groupe d'enfants, qui font de la récupération (plastique, acier, bois), s'exposant ainsi à des dangers mortels, en toute inconscience. Un jeune habitant de la cité colonel Lotfi nous suggère de changer son nom, car elle porte préjudice à cette grande figure de notre guerre de libération. Il ne croit pas si bien dire.