Le Ramadhan touche à sa fin et les petites bourses, durement éprouvées par les dépenses de ce mois sacré, sont de nouveau sollicitées pour faire face aux frais de l'Aïd el-Fitr et ceux de la rentrée scolaire. Au-delà des aspects pécuniaires et de la dégradation du pouvoir d'achat, largement traités par la presse nationale publique et privée, se pose la question des choix. Quoi acheter et à quel prix, sachant que le marché algérien est inondé d'articles vestimentaires de toutes sortes. Des vêtements de luxe, confectionnés par les grandes marques, notamment françaises et italiennes, en passant par la friperie et les produits “made in China” ; le consommateur a l'embarras du choix et, au final, toutes les catégories sociales semblent trouver leur compte. Mais autour de tous ces questionnements, l'on est en droit, et l'on ne peut s'empêcher de s'interroger sur la part de la production nationale dans ce marché du textile en permanente évolution ? Non, ça n'est pas une hérésie ! Bien sûr, Les professionnels nous diront qu'après le démantèlement de l'industrie textile nationale, la montée en puissance de pays émergents (Chine, Pakistan, Inde, Turquie, Indonésie) très performants dans ce domaine, la spécialisation dans la production de certaines gammes de vêtements par le Maroc et la Tunisie qui ont su négocier les contraintes liées à “l'accord multifibres” qui limitait les quotas d'exportation, notre future adhésion à l'OMC et les désarmements tarifaires qui s'en suivront, ne laisseront aucune chance à l'Algérie de relancer son industrie textile. Une telle “sentence”, sous-tendue par des arguments objectifs, sonne-t-elle le glas du secteur textile national ? En termes de constat, les statistiques disponibles révèlent que dans un passé relativement récent, le secteur public des textiles occupait 30% des parts du marché tandis que le privé représentait 60% du marché de la confection. Globalement, les artisans et petits industriels qui s'approvisionnaient essentiellement auprès de la Sonitex, étaient au nombre approximatif de 4 000. De nos jours, (ils ne sont plus qu'un millier) ces mêmes artisans et industriels ont fui les activités de production, pour verser dans celles plus lucratives de l'import-import. Redah Hamiani, pionnier dans la fabrication des chemises de luxe, semble baisser les bras “devant la production chinoise dont la couverture des besoins du marché en matière de vêtements va passer de 29 à 50%, rien qu'aux USA, il faut s'attendre à ce que les dernières entreprises encore en activité décident de l'arrêt de leurs ateliers”. Selon certaines sources, le secteur des textiles a perdu 67% de ses effectifs et la part de la production textile nationale a régressé de 8,7% à 4,8% entre les années 1990 et 2001. L'endettement du secteur s'élèverait à plus 15 milliards de dinars. Les différentes restructurations ainsi que les tentatives de privatisation des unités du secteur public activant dans cette filière, n'ont donné aucun résultat palpable. S'agit-il d'erreur stratégique, ou des effets induits par l'accélération de la compétitivité des facteurs de production, conséquemment à la mondialisation de l'économie et à l'instauration de la nouvelle division internationale du travail ? Cet impact que l'Algérie a subi de plein fouet, du fait des retards accusés dans la mise à niveau de l'économie nationale, dans un contexte d'ouverture des espaces économiques et de mobilité des facteurs de production à l'échelle planétaire, interpellent urgemment les professionnels du secteur. Bizarrement, du moins pour le moment, une telle situation ne parait pas préoccuper les pouvoirs publics outre mesure. Ainsi, lors de la conférence de presse tenue le 1er février 2009 pour présenter la nouvelle stratégie industrielle, M. Temmar avait déclaré que “seules les entreprises productives qui contribuent à la valeur ajoutée sont concernées par cette novelle stratégie”. Malgré les avis opposés, notamment ceux des syndicalistes qui croient, et c'est normal, que le secteur dispose de potentialités qui lui permettent de se redéployer, les professionnels du secteur ainsi que les représentants du patronat estiment qu'il serait illusoire en l'état actuel des choses, et notamment après la fin de l'accord multifibres, de croire qu'on peut relancer le secteur tout en étant aussi compétitifs que les Chinois ou d'autres pays concurrents. La nouvelle orientation de la politique économique nationale axée sur le concept du patriotisme économique, transcrite dans les dernières lois de finances qui consacrent la préférence nationale et limitent le volume des importations, de même que la reconsidération de la place des grands complexes industriels relevant du secteur public dans le plan de relance de l'outil de production national, offrira-t-elle une nouvelle chance à l'industrie textile nationale ? De l'avis des spécialistes, au regard du potentiel existant et moyennant une modernisation de l'outil de production obsolète dans sa quasi-totalité, et une injection de nouvelles technologies de fabrication des textiles, la seule solution qui semble viable et qui pourrait préserver les quelque 10 000 emplois encore existants dans ce secteur et en créer d'autres, consiste à recourir à des opérations de partenariat mixte (privé étranger-privé et public national), basée sur la délocalisation de certaines unités des grandes firmes étrangères en direction de notre pays qui offre des avantages comparatifs considérables. Par ailleurs, selon ces mêmes experts, d'autres pistes existes telles que la mise à contribution des produits dérivés des hydrocarbures dans la fabrication en aval des fibres synthétiques telles que l'acrylique et autres... Autrement dit, si cette situation perdure et si l'on considère que tout restera égal par ailleurs, l'Algérie qui débourse aujourd'hui des montants importants en dollars chaque année dans l'importation de biens textiles tous confondus, dans les dix années à venir, elle risque d'importer l'équivalent d'un milliard de dollars an/en “chiffons”. Ce scénario ne tient compte ni de la demande additionnelle ni de l'évolution de l'inflation des prix des textiles sur le marché international. Situation pour le moins paradoxale quand on sait les efforts que les pouvoirs publics ont mis à réduire l'enveloppe d'importation de médicaments et celle des céréales dont l'autosuffisance est en voie d'être acquise durablement. Pour rappel, une étude réalisée en 2003 pour le compte du ministère de l'Industrie par un bureau d'expertise (Booz Allen and Hamilton) dégageait des pistes de relance du secteur des textiles qui nécessitaient à l'époque, et jusqu'à l'horizon 2010 (c'est-à-dire aujourd'hui), un investissement cumulé de 1,5 milliard d'euros et qui aurait dû se traduire, notamment par la création de 42 000 emplois en sus des 45 000 existant à cette date ainsi qu'une contribution d'une valeur de 5 milliards de dollars/an à l'export. Nous n'avons pas pris connaissance de cette étude ni nous ne connaissons les motivations de ses commanditaires, en revanche, tout le monde sait que notre pays disposait d'un réel potentiel industriel des textiles et que le secteur privé national se distinguait par son savoir-faire et la qualité de ses produits dont la réputation s'était répandue au-delà de nos frontières. Reste l'épineuse question de la compétitivité de notre économie. C'est là, une toute autre question.