Le procès des non-jeûneurs se déroulera mardi au tribunal de Aïn El-Hammam (Tizi Ouzou). H. H., 47 ans, et S. F., 34 ans, deux journaliers de la région, sont poursuivis pour le chef d'inculpation d'atteinte et offense à l'un des préceptes de l'islam. L'avocat de la défense représentée par Me Mohamed Aït Mimoun compte plaider la relaxe en faveur des mis en cause. Pour lui, l'infraction reprochée ne revêt aucune base légale, car pour qu'une infraction soit établie juridiquement, il faut bien qu'elle soit fondée sur des éléments constitutifs : l'élément légal veut qu'il y ait un texte pénal disant expressément qu'un tel acte est répréhensible, l'élément intentionnel suggérant que le délit a été commis en connaissance de cause, et l'élément matériel. “Si ces trois éléments sont réunis, on peut dire qu'il y a infraction. Or, dans le cas qui nous concerne, on ne peut parler de délit puisqu'il y a au moins l'élément légal qui manque à la commission de l'infraction”, explique Me Aït Mimoun. Du point de vue légal, il n'y a pas eu délit, sachant qu'un texte de loi pénale est soumis à une interprétation restrictive et non extensive, estime Aït Mimoun. Dans la forme, notre interlocuteur parle de la nullité de la poursuite pénale. Faute d'un mandat de perquisition, celle-ci a été menée illégalement, fera-t-il observer. D'ailleurs, à en croire le même avocat, le propriétaire du chantier a l'intention de déposer une plainte pour violation d'un espace privé. Les deux mis en cause semblent sereins à la veille du procès. Ils disent assumer le fait de ne pas jeûner, étant tous les deux de confession chrétienne. Pour convaincre, ils se réfèrent à l'article 36 de la Constitution algérienne qui stipule que “la liberté de conscience et la liberté d'opinion sont inviolables”. L'affaire des non-jeûneurs de Aïn El-Hammam ne cesse de susciter des réactions de la société civile. La Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) a dénoncé la tenue du procès. Dans une déclaration rendue publique hier, la LADDH, par le biais de la Maison des droits de l'homme et du citoyen de Tizi Ouzou, exige qu'il soit mis fin “immédiatement” à ce qu'elle appelle des “procédures illégales au regard du droit positif algérien et aux conventions internationales opposables à l'Algérie.” L'organisation des droits de l'Homme qui a appris qu'un procès est engagé contre les deux citoyens de l'ex-Michelet pour le 21 septembre pour non-respect de la contrainte au jeûne durant le Ramadhan, constate que “ces poursuites pénales succèdent à celles déjà engagées contre d'autres citoyens à Tébessa, Akbou, Bouira sur la base du même chef d'inculpation tiré d'une fausse application de l'article 144 bis, aliéna 2 du code pénal.” Cette récurrence dans l'espace et le temps de cette dérive qui n'a pas échappé à la LADDH révèle des signes de “théocratisation rampante de la justice” algérienne. Ce que craint fortement l'organisation de Me Zehouane. Le document signé par Arezki Abboute souligne en outre le caractère “schizophrène” qui consiste à afficher la Déclaration universelle des doits de l'homme dans les commissariats et “faire requérir les parquetiers de la République contre des citoyens pour non-soumission au monolithisme religieux”. “Toute référence à la charia ne peut être invoquée qu'à titre supplétoire dans des situations lacunaires de vide juridique du droit positif algérien”, conclut l'ONG. L'affaire des non-jeûneurs de Aïn El-Hammam remonte au début du mois de carême, le 12 août, lorsqu'ils ont été arrêtés dans un chantier à Aïn El-Hammam. Ils ont été surpris en train de boire de l'eau par deux policiers qui les ont présentés au procureur de la République près le tribunal de la ville. Leur procès aura lieu demain. Depuis l'éclatement de l'affaire, un vaste mouvement de solidarité a spontanément pris forme. Des groupes de soutien s'organisent sur les réseaux sociaux comme facebook et autres. Une pétition internationale circule sur le Net également. La population a prévu d'observer un sit-in de soutien devant le tribunal de Michelet le jour du procès.