Pour Me Miloud Brahimi dont l'intervention a été très concise, la justice populaire existe partout à travers le monde avec des variables dans le nombre des jurés. Est-il opportun, aujourd'hui que la réforme de la justice est l'un des chantiers qui appelle à beaucoup de rigueur et d'indépendance, de maintenir la participation du jury populaire dans la composition des tribunaux criminels ? Pourquoi la procédure d'appel n'est pas accordée aux jugements des tribunaux criminels ? Ou encore, est-il légitime de maintenir “l'intime conviction” comme seul argumentaire à la décision ? Ce sont là des questions sur lesquelles se sont penchées hier nombre de personnalités du monde judiciaire et universitaire dont un représentant du Maroc et un autre de Tunisie au cours d'une journée d'étude à l'hôtel des magistrats à Alger. Pour Me Miloud Brahimi dont l'intervention a été très concise, la justice populaire existe partout à travers le monde, avec des variables dans le nombre des jurés. Si en Allemagne, ils sont au nombre de deux comme en Algérie, tel n'est pas le cas aux états-unis ou en France où ils sont beaucoup plus nombreux. Dès lors, à ses yeux, s'il s'agit de maintenir leur présence, autant en augmenter leur nombre. Mais l'avocat relève que le tribunal criminel, héritage de la colonisation, fonctionne avec beaucoup de lourdeur et est “anticonstitutionnel” sur le fond. “Pourquoi, pour un délit, on a droit à un appel et pas pour un jugement pour un crime ?” s'interroge-t-il. Autre sujet d'interrogation, la contumace. “Je n'ai pas compris le fondement de la contumace”, dit-il. Quant à l'ordonnance de prise de corps, procédure qui consiste à détenir le prévenu à la veille de son procès, l'avocat se montre hostile, en ce sens qu'elle affecte le prévenu qui ne peut dès lors se défendre. “Je n'ai pas d'avis sur le maintien ou non des jurés. Au Japon et en Hollande, il n'y a pas de jurés. Au Maroc et en Tunisie, ils ont été supprimés. Je pense qu'il faut augmenter le nombre. Mais si on est respectueux de la Constitution, il faut introduire l'appel et la motivation”, a expliqué Me Brahimi en marge de la rencontre. Pour sa part, le président du Syndicat des magistrats (SNM), M. Djamel Aïdouni, qui a tenu à préciser “qu'il s'exprimait en son nom personnel”, a affiché sa préférence plutôt pour les magistrats professionnels (actuellement le tribunal criminel se compose de trois magistrats professionnels pour deux assesseurs jurés choisis sur une liste bien définie établie selon la procédure énoncée par la loi). Son argumentaire tient au fait que la criminalité a augmenté et que les jurés ne disposent pas des aptitudes requises pour maîtriser la loi. “En ce qui concerne le maintien ou la suppression du jury citoyen, personnellement, je n'ai aucun avis à émettre. Je pense qu'avec le crime qui se modernise avec de nouvelles techniques, le jury citoyen a moins d'aptitudes pour se prononcer et il serait préférable d'aller vers un tribunal composé de magistrats professionnels”, estime-t-il. Il s'est prononcé aussi pour le double degré de juridiction. “C'est un débat qui est entre juristes. Des spécialistes vont en parler. Il est certain que des réformes doivent être faites pour le tribunal criminel et nous pensons qu'il est dans l'intérêt du prévenu de bénéficier d'un deuxième degré. Il faut, en créant le deuxième degré, motiver les jugements car c'est cette motivation qui va permettre de contrôler le jugement au premier degré”, ajoute-t-il. à noter que plusieurs interventions sont prévues avant de recueillir les recommandations. Professeur à l'université d'Alger, le professeur Mohamed Memtalecheta s'est dit favorable au maintien des jurés, à conditions qu'ils répondent à certains critères, notamment l'instruction ou encore jouissant d'une certaine autorité morale au sein de la société.