Des dizaines de citoyens, de simples anonymes ont tenu à suivre de près ce procès La salle qui a abrité le procès en appel de Mohamed Benchicou avait, hier, du mal à contenir la foule venue nombreuse assister à «l'événement». En plus des nombreux journalistes venus couvrir le procès, la famille du directeur du Matin, notamment sa mère, sa femme et ses enfants, étaient aux premiers rangs. Des dizaines de citoyens, de simples anonymes, ont tenu également à suivre de près ce procès qui a fait couler beaucoup d'encre. Ouvert vers midi, avec plusieurs heures de retard, le procès était houleux durant plusieurs minutes. Une «prise de bec» entre une avocate assurant la défense de Benchicou et le représentant du ministère public a failli provoquer une véritable «cacophonie» à l'intérieur de la salle d'audience. Il faut savoir que le procureur de la République n'a pas été tendre avec Benchicou. Le représentant du ministère public soutiendra tout au long de son intervention devant la cour qu'il n'existe aucun doute sur la culpabilité du prévenu dans cette affaire. Lors de son réquisitoire, le procureur de la République requiert une peine supérieure à celle prononcée par le tribunal d'El Harrach, à savoir une peine de trois années de prison ferme. Benchicou, debout entre ses avocats, soutiendra, lors de son audition par le président de la cour, qu'il est victime de ses positions. Visiblement fatigué, le directeur du Matin, en détention depuis le 14 juin dernier, se défendra, affirmant que l'affaire a été montée de toutes pièces à cause de ce qu'il a écrit. La défense, quant à elle, était vraiment magistrale. Après une suspension d'un peu plus d'une demi-heure, le procès reprend et les avocats de Benchicou, tour à tour, axeront leur plaidoirie sur la «nullité» des accusations portées contre leur client. Mais l'intervention qui marquera l'assistance et même le président de la cour, c'est incontestablement celle de Me Miloud Brahimi. En véritable «maestro», Me Brahimi développera son argumentaire sur l'absence même d'accusations. Pour lui, il n'y a même pas eu d'infraction puisque l'argent que représentent les bons de caisse découverts dans les valises de Benchicou était au niveau des banques algériennes. D'après lui, le directeur du Matin a été tout simplement piégé, et pour étayer cela, Me Brahimi questionnera le policier qui avait interpellé son client à l'aéroport Houari-Boumediene, le 23 août 2003. En l'interrogeant s'il n'avait pas reçu des instructions pour guetter Benchicou dès son arrivée à l'aéroport, le policier, gêné, suggéra au président de la cour de ne pas répondre à cette question. Tout en réitérant que l'accusation dont fait l'objet son client est purement imaginaire, Me Miloud Brahimi ira jusqu'à soulever le «manque de sérieux qui caractérise cette affaire». «Durant toute ma longue carrière, je n'ai jamais connu un cas pareil.» Après les plaidoiries des avocats, le procureur de la République est revenu à la charge pour affirmer que l'affaire de Benchicou est loin d'être politique puisque, a-t-il soutenu, la police a agi sur plainte du ministère des Finances. Vers 17h, la cour se retire pour délibérer. Après une heure de délibérations, le président fait son apparition et annonce son verdict: deux années de prison ferme à l'encontre de Benchicou. Le verdict est tombé tel un couperet. Franchement, personne ne s'attendait à un tel verdict. S'ensuit alors une véritable hystérie à l'intérieur de la cour. Une bagarre a même éclaté entre deux personnes. Il a fallu l'intervention de la police pour les séparer. Une femme, en pleurs, criait de toutes ses forces. Le climat est devenu soudainement électrique. En un éclair des policiers, matraques à la main, quadrillent tout le quartier. Un rassemblement a été improvisé devant la cour de justice et des cris fusent de partout. Finalement, tout le monde se disperse, sans accroc, la police n'a pas chargé la foule. Après toute la sérénité qui a caractérisé le procès, le climat est devenu soudainement lourd. Personne ne comprenait vraiment ce qui venait d'arriver. Les journalistes, les avocats, les proches et amis de Benchicou sont repartis bredouilles. Quant au directeur du Matin, il a été reconduit à sa cellule à la prison d'El Harrach.