La hausse des prix est redevenue, au cours de la période récente, une des préoccupations de la majorité des Algériens dont elle entame le pouvoir d'achat et réduit le niveau de vie. Le phénomène, qui a connu un pic au cours du dernier Ramadhan, ne se limite cependant plus à cette seule partie de l'année et semble aujourd'hui constituer une caractéristique structurelle de l'économie algérienne. Le réveil de l'inflation est aussi devenu une des préoccupations récentes des pouvoirs publics algériens, notamment de la Banque d'Algérie qui a multiplié dans la période récente rapports et avertissements sur cette question. L‘estimation officielle de l'inflation a atteint au cours des deux dernières années un niveau supérieur à 6 voire 7%. La tendance est celle d'une accélération de ce phénomène qui de surcroît n'est pas observée chez nos principaux partenaires commerciaux. Les pays de l'Union européenne notamment connaissent au contraire un ralentissement de l'inflation qui dépasse rarement 1% chez la plupart d'entre eux faisant ainsi apparaître un différentiel important et croissant avec l'Algérie. C'est ce que souligne la Banque centrale : “L'inflation a poursuivi en 2009 sa tendance haussière entamée en 2007 alors qu'elle a reculé presque partout dans les pays développés pour atteindre souvent des taux négatifs chez les principaux partenaires commerciaux”. Indépendamment de l'influence de l'inflation sur le pouvoir d'achat des citoyens, la Banque d'Algérie rappelle que “la stabilité des prix est un préalable pour une allocation optimale des ressources aux secteurs économiques les plus performants”. On attend avec intérêt le prochain rapport de conjoncture de la Banque centrale qui devrait confirmer dans les semaines à venir la poursuite au 1er semestre 2010 des tendances observées depuis 2007. L'organisation des marchés en question Comment expliquer que ce phénomène en régression ailleurs semble s'installer et s'accélérer dans notre pays ? Pour rechercher les causes de la hausse des prix, il faut certainement suivre encore les pistes indiquées par la Banque d'Algérie qui signale que désormais “les déterminants de l'inflation ont changé car l'inflation endogène a pris le relais de l'inflation importée”. Parmi les causes internes qui ont désormais pris le dessus, un premier type d'explication réside dans l'organisation de nos marchés. De nombreuses études réalisées récemment par les institutions financières internationales ont attiré l'attention des pouvoirs publics algériens sur le manque de flexibilité à la baisse des prix intérieurs algériens. C'est cette rigidité de nos prix intérieurs qui serait à l'origine de l'apparition ces dernières années d'un important différentiel d'inflation entre l'Algérie et ses principaux partenaires commerciaux. Un différentiel qui était en 2009 proche de 5%. La rigidité à la baisse des prix intérieurs algériens est en général attribuée par les analyses effectuées sur ce sujet “au comportement de nombreux agents économiques importateurs ou producteurs qui ne répercutent que très rarement la baisse du coût de leurs achats ou de leurs approvisionnements” (1) et qui ont même une fâcheuse tendance à gonfler leurs marges. Cette situation serait due au caractère insuffisamment concurrentiel des marchés de nombreux produits. En outre, le fait que la plus grande partie de l'inflation signalée au cours des deux dernières années soit imputable au comportement des prix des produits agricoles et singulièrement des produits frais confirme bien l'existence de dysfonctionnements majeurs dans le marché de cette catégorie de produits. Excès de liquidités Une deuxième explication de l'accélération de l'inflation réside dans l'augmentation très sensible des dépenses de l'Etat et de l'injection de liquidités qui en résulte. L'importance croissante de la dépense publique est, en effet, le trait dominant de l'économie de notre pays au cours des dernières années. C'est ainsi qu'entre 2005 et 2009, le total des dépenses de l'Etat, exprimé en pourcentage du PIB, est passé de 29% à près de 46%. Une tendance au gonflement de la dépense publique qui se poursuit et qui devrait les voir dépasser allègrement la barre des 50% du PIB en 2010. En l'absence de contrôle direct sur le rythme des dépenses de l'Etat, les principaux instruments d'action économique dont dispose la Banque d'Algérie pour lutter contre l'inflation sont des outils de “reprise de liquidité” qui lui permettent de réduire la quantité de monnaie en circulation dans l'économie. Une partie importante des revenus distribués par l'Etat se retrouve en effet dans les banques algériennes dont les performances en matière de collecte de l'épargne connaissent une croissance parallèle à l'expansion des dépenses publiques. Les banques aussi bien publiques que privées se trouvent ainsi depuis plusieurs années dans une situation d'excès de liquidités qui a été mesuré à plus de 1 100 milliards de dinars en 2009. La Banque d'Algérie s'efforce donc de résorber ces excès de liquidités en proposant aux banques des placements rémunérés. Le principal inconvénient de ces placements est constitué pour les banques par la modicité des taux d'intérêt servis par la Banque centrale. Des taux qui n'ont jamais dépassé les 2% et qui ont même été réduits à un peu plus de 1% à la suite d'une décision récente. Une “crise de l'économie réelle” Pour beaucoup d'analystes, l'action des autorités monétaires, si elle est nécessaire pour éviter un emballement de l'inflation dans notre pays, n'est cependant pas suffisante pour soigner durablement un phénomène dont les causes profondes s'apparentent à ce que l'un d'entre eux désigne comme une crise de l'économie réelle. Un banquier privé constate : “Le faible nombre de projets bancables dans le secteur privé conjugué aux problèmes chroniques de solvabilité de la plus grande partie de la clientèle des particuliers entraîne un excès de liquidités au sein des banques. Elles n'ont, ces dernières années, pas d'autre alternative que de recourir aux facilités de reprise de liquidités de la Banque d'Algérie alors qu'elles ne demanderaient pas mieux que de prêter à des opérateurs économiques privés ou à des particuliers solvables à des taux qui sur le marché varient entre 7 et 8%”. Le même banquier poursuit : “Au cours des dernières années, on ne recense dans l'ensemble de l'économie algérienne pas plus de 500 projets d'investissements productifs par an initiés par des investisseurs privés. Le crédit à la consommation a été interdit et le développement du crédit immobilier qui est censé prendre le relais, d'après les déclarations des autorités, se heurte à l'insuffisance de l'offre de biens ainsi qu'à une spéculation importante qui fait que le prix des biens disponibles dépasse de beaucoup la capacité d'endettement des clients des banques. Nous sommes en réalité en face d'une véritable crise de l'économie réelle. Il n'y a tout simplement pas suffisamment de projets d'investissements ni d'offres de biens produits localement en face des revenus disponibles”.