Les protestations arabes contre la décision de principe adoptée par le gouvernement israélien d'expulser Yasser Arafat cachent en fait un constat d'impuissance, les pays arabes n'ayant aucun moyen d'empêcher Israël de passer aux actes, selon les analystes, les Arabes "ne pèsent pas. Il n'ont pas de cartes à jouer", estime l'analyste libanais Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes à Paris. "Ils peuvent implorer, demander, rappeler, téléphoner", mais ils n'ont pas de possibilité de “rétorsion. Ils n'ont pas de capacité de nuisance. La capacité de nuisance se retrouve chez (Oussama) Ben Laden", le chef terroriste, ajoute-t-il. Les dirigeants arabes mettraient en avant le fait qu'ils pourraient être renversés et remplacés par des régimes incontrôlables et totalement hostiles au monde occidental. "Aidez-nous à rester en place parce qu'on risque d'être débordés si vous n'intervenez pas", serait le message que les dirigeants arabes modérés tentent de faire parvenir aux capitales occidentales pour implorer leur aide, estime M. Basbous, joint par téléphone à partir du Caire. "En l'occurrence, ce n'est pas dans l'intérêt des Américains de voir Arafat expulsé", résume M. Basbous, estimant que le dirigeant palestinien "à l'étranger pourra reprendre sa liberté (...) et nuire davantage à Israël que s'il restait confiné à Ramallah", en Cisjordanie. Il note aussi que les gouvernements arabes modérés ont de plus en plus de mal à contenir la colère de leur population, qui se manifeste notamment contre les Etats-Unis, comme au moment de la guerre en Irak. Le gouvernement égyptien a ainsi été "obligé" d'autoriser les manifestations, au moment de cette guerre, relève Makram Mohammed Akram, rédacteur en chef de l'hebdomadaire gouvernemental égyptien al-Moussawar. "S'il ne l'avait pas fait, il se serait retrouvé dans une mauvaise passe", souligne-t-il. Si Arafat était expulsé, "qu'arriverait-il dans les Etats modérés comme l'Egypte et le Maroc ?" se demande-t-il, faisant référence au mécontentement populaire que ne manquerait pas de soulever une telle expulsion. "Personne n'en profiterait, à l'exception des extrémistes et des groupes religieux", en dehors même des territoires palestiniens, poursuit-il. Selon M. Akram, cette expulsion serait récupérée par des groupes liés à Al-Qaïda ainsi que par l'opposition irakienne à l'occupation américano-britannique de ce pays. "S'ils ont l'occasion de nuire aux Américains en Irak, ils le feront", estime-t-il. Les Arabes, poursuit-il, qui n'ont pas de force de dissuasion militaire pour contrer Israël, peuvent cependant beaucoup "sur le plan politique", notamment en réclamant une résolution condamnant Israël au Conseil de sécurité de l'Onu. En cas d'application par Israël de la décision de principe d'expulser le président de l'Autorité palestinienne, adoptée jeudi soir par son cabinet de sécurité, il paverait la voie "à l'extrémisme et au désir de vengeance", a averti le porte-parole de la Ligue arabe, Hicham Youssef. "Ceux qui parlent des souffrances engendrées par la violence dans la région doivent réaliser qu'une telle mesure créerait un désir permanent de vengeance", a-t-il ajouté, proposant par ailleurs que le Conseil de sécurité se réunisse pour examiner les "graves dangers" provoqués par la décision israélienne.