Le naufrage en pleine terre aride centrafricaine n'a pas noyé seulement quelques internationaux en baisse de régime et de plus en plus contestés, mais a aussi et surtout contraint le sélectionneur national à tirer plus vite que prévu son ancre pour jeter de nouveau les amarres et recommencer à naviguer à vue, en espérant réussir une grosse pêche avec sa nouvelle liste, revue et corrigée. Mais voilà que même en forçant son gouvernail, Abdelhak Benchikha a pu constater que les vents populaires soufflaient en sens contraire. De contestations de techniciens à indignations de supporters, en passant par les interrogations (légitimes) d'une presse pas toujours objective, les réactions fusaient de partout. Mais peut-on logiquement contester les choix d'un sélectionneur tout en exigeant de lui de justifier ces mêmes choix, qui plus est à la veille d'un test amical pas si instructif qu'on le prétende face à une sélection du Grand Duché du Luxembourg qui passe pour être le faire-valoir du football européen de l'ère moderne ? Du haut de ses 63 sélections, l'ancien international bien connu et champion d'Afrique 90, Si Tahar Cherif El-Ouazzani, en conteste aussi bien le fond que la forme. “Je ne vois pas pourquoi on demanderait au sélectionneur national de justifier ses choix”, estime, sans langue de bois, l'actuel driver des Rouge et Blanc du Mouloudia d'Oran. Et d'enchaîner : “Abdelhak Benchikha a communiqué sa liste. Il l'a établie et choisie en son âme et conscience. Il en est convaincu, donc je ne vois pas pourquoi on le harcèle pour qu'il en justifie la composante ou pour qu'il argumente ses motivations. Croyez-vous réellement qu'il veuille se saboter ou mettre en péril sa carrière d'entraîneur ? Absolument pas, donc, avant d'établir la liste des joueurs concernés par la prochaine échéance amicale, il a dû bien réfléchir, se creuser les méninges et tenter de trouver la meilleure solution à ce qui n'a pas marché lors du dernier match. Il a certainement dû méditer les erreurs qui ont été faites, les imperfections constatées et les lacunes à corriger.” “De plus, s'il n'ose pas un changement à cette période précise qui ne comporte pas trop de risques ni de gros enjeux, je ne vois pas sincèrement quand est-ce qu'il pourrait le faire ? Le peuple demandait du sang neuf et des changements ; Benchikha l'a fait, à sa manière, mais le peuple demande toujours plus au point de ne plus savoir ce que veut réellement ce peuple !” s'interroge, agacé, l'ancien capitaine du MCO et de l'EN. “De grands joueurs comme Fergani et Merzekane ont été écartés de l'EN sans que personne ne crie gare !” Pour Cherif El-Ouazzani, “le sélectionneur national a constaté que certains éléments sont en méforme ou ne correspondent pas vraiment à son organisation tactique ou sa philosophie de jeu, alors il a osé le pas et opté pour le pari du changement. Cela ne veut pas dire, du moins pas pour l'instant, que les joueurs non retenus ou écartés le seront éternellement ou définitivement. Peut-être temporairement, le temps qu'ils retrouvent le niveau qui a fait d'eux des internationaux”. Et à ce sujet, l'ex-infatigable milieu relayeur des Verts cite en exemple le latéral d'Es-Sad et l'attaquant de Bari. “Pour Nadir Belhadj, qui demeure un joueur de couloir de grand talent, sa non-sélection ne peut surprendre grand monde dans la mesure où son rendement a considérablement régressé d'une manière inquiétante depuis quelques mois. Probablement en raison d'une baisse de régime, due à un terrible surmenage puisque le gars n'a pas bénéficié de vacances depuis quelques années déjà. Quant à la non-convocation pour le prochain stage de l'EN d'Abdelkader Ghezzal, j'estime personnellement qu'elle est parfaitement logique vu que cet élément n'a, mais pas du tout, apporté le plus escompté de lui, précipitant même le retour à la maison de l'équipe nationale en étant l'une des causes de l'élimination au premier tour de la Coupe du monde. De fait, Benchikha n'a fait que matérialiser ce que beaucoup d'entre nous souhaitaient et revendiquaient haut et fort”, indiquera Si Tahar Cherif El-Ouazzani. Peu enclin à critiquer juste pour le fun, l'inoubliable meneur de jeu des Verts de la faste période des eightees, Lakhdar Belloumi n'en pense, de son côté, pas moins la même chose. “Ce n'est pas normal que l'on fasse tout un plat pour une liste de joueurs retenus pour un match amical. Il y a eu exagération et sur-médiatisation. Le sélectionneur national a fait ses choix, il faut les respecter et lui souhaiter bon courage à défaut de pouvoir l'aider dans sa tâche. Pour quelques joueurs écartés momentanément, du moins jusqu'à preuve du contraire d'un match amical, les gens ont parlé de choc, comme si le sélectionneur avait touché à l'intouchable”, assurera, en substance, le Ballon d'or 1981, avant de dévoiler encore davantage le fond de sa pensée en citant en exemple une expérience déjà vécue. “Pourtant, avant le Mondial 1986, le staff technique de l'époque en avait écarté de grands joueurs, à l'image d'Ali Fergani et de Merzekane Chaâbane. Ce n'est pas pour autant que l'on a fait une montagne. Moi-même j'ai été écarté avant la Coupe d'Afrique des nations 1990 et personne n'a crié au scandale. C'est dire que c'est tout à fait normal que des joueurs soient sélectionnés en lieu et place d'autres, selon la forme et la méforme des uns et des autres. Nul n'est intouchable, titulaire indiscutable, encore moins éternel en équipe nationale. Donc, contester d'une telle manière la liste d'Abdelhak Benchikha demeure, à mes yeux, un faux débat dont on pourra se passer pour le bien des Verts”, estimera ainsi, à juste titre, Lakhdar Belloumi.