l'expérience algérienne de coopération et d'intégration économique régionale a été au centre d'une table ronde, animée jeudi dernier par des chercheurs, au siège de la Fondation Friedrich-Ebert, autour d'un exposé de Nachida Bouzidi, professeur à l'ENA et spécialiste de la question. Mme Bouzidi a, d'emblée, annoncé que la première tentative de l'intégration maghrébine avait commencé en octobre 1964 à Tunis par la création du comité permanent consultatif maghrébin. L'expérience a tourné court en raison des dissensions politiques entres les pays membres. Il aura fallu attendre 15 ans, à la faveur de la crise économique qui a frappé tous les pays maghrébins, pour que le train de l'intégration économique maghrébine redémarre à travers la création de l'Union du Maghreb arabe, en juin 1988, à Zéralda. Le train de la construction avait pris le départ. Des décisions importantes ont été prises. Vingt et un ans après, le bilan est décevant, dans un contexte mondial fortement marqué par les regroupements régionaux. La Banque maghrébine pour l'investissement et le commerce extérieur, prévu dès 1991 et dont le siège est à Tunis, n'a toujours pas été mise en service. L'UMA est quasiment gelée, même si les 114 groupes de travail continuent de fonctionner. Mais le conseil de la présidence, organe suprême de l'union, n'a pas tenu de réunion depuis 1994. Par ailleurs, l'objectif d'intensifier les échanges n'a pas a été atteint. Le volume des échanges commerciaux intermaghrébins est toujours insignifiant, à peine 2 à 3% du commerce global de chacun des pays. Comparé aux 25% de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), 19% pour les pays Mercosur (Communauté économique des pays de l'Amérique du Sud) et même les 10% de la Cedao (Communauté économique des pays d'Afrique de l'Ouest), le processus d'intégration maghrébine est un échec. Le manque à gagner de cette non-intégration coûte entre 2 à 3 points de croissance pour chacun des pays de la région. Pour Nachida Bouzidi, “le blocage est politique. le motif principal : la question sahraouie”. Mme Bouzidi estime qu'en matière de construction du projet maghrébin, “ce sont les considérations politiques qui ont prévalu sur les préoccupations économiques”. Mais cette explication n'est pas satisfaisante, notamment pour Abdelaziz Rahabi, présent à Marrakech en février 1989, pour le coup d'envoi. La construction de l'UMA avait pour finalité aussi de favoriser le règlement de la question sahraouie. “Dire aujourd'hui, 20 ans plus tard, que la question sahraouie est à l'origine du blocage de l'UMA n'est pas tout à fait vrai. Au contraire, cela a été pris comme un prétexte à l'époque pour construire le Maghreb”, a affirmé M. Abdelaziz Rahabi, relevant l'absence de solidarité entre les pays du Maghreb. “Pendant que l'Algérie vivait la crise des années 1990, il n'y a pas eu de solidarité des autres pays. Le Maghreb se construit sur la solidarité. Le Maroc a signé l'accord d'association en 1996. Les Tunisiens l'ont fait en 1995. Le dialogue politique entre le Maroc, la Tunisie et l'Otan a commencé entre 1994 et 1995 au moment où l'Algérie était en crise”, rappelle M. Abdelaziz Rahabi, indiquant que “les Etats ont des mémoires”. Faut-il attendre d'autres contraintes économiques pour que des compromis politiques soient trouvés pour construire l'intégration régionale ? En tout état de cause, comme le souligne aussi M. Rahabi, les élites tunisiennes et marocaines sont plus pragmatiques que les élites algériennes. “En Algérie, la question maghrébine est très romantique. Elle est perçue comme un rêve de nos grands-parents. En Tunisie et au Maroc, c'est perçu par les nouvelles élites, les hommes d'affaires et les banquiers comme des opportunités commerciales”, relève M. Rahabi. Mais l'Algérie ne fait pas mieux en matière de coopération économique avec l'Union européenne. L'Accord d'association signé avec l'Union européenne fait l'objet de vives contestations de la part du gouvernement algérien. L'Algérie a déposé, en septembre, une demande de révision du schéma de démantèlement tarifaire pour environ 2 000 positions tarifaires, pour une période de 5 ans. Mme Nachida Bouzidi parle de remise en cause de l'Accord d'association. “L'avenir de l'Accord d'association semble être, pour le moins, compromis”, estime Mme Bouzidi. Enfin plus 15 mois après son adhésion à la zone de libre-échange, l'Algérie en est déjà à plus de 1 500 produits. L'histoire des tentatives de coopération et d'intégration économique régionales de l'Algérie, montre “l'absence de volonté politique”, conclut Mme Bouzidi. Y a-t-il incompréhension des enjeux ou simplement un refus de mettre fin au statut d'une économie rentière ? s'interroge Mme Nachida Bouzidi.