Le Maroc se retrouve dans la situation de l'arroseur arrosé. La féroce agression contre un camp de civils sahraouis aux portes d'El Ayoun s'est retournée contre ses dirigeants. Si ceux-ci pensaient s'en sortir comme les Israéliens, avec lesquels — soit dit en passant —le Maroc a tissé de nombreuses et excellentes relations, même si les deux pays n'ont pas établi de relations diplomatiques, leurs calculs sont passés à côté de la plaque. Les opinions occidentales ont réagi au quart de tour, condamnant fermement l'ignoble assaut sur des femmes, des vieillards et des enfants dont le crime est de rejeter le diktat colonial marocain et de faire appel à la communauté internationale pour exercer leur droit à l'autodétermination. En effet, si la stratégie et les méthodes de la terre brûlée adoptées par les dirigeants marocains sont le miroir du rouleau compresseur israélien au Moyen-Orient, particulièrement contre les Palestiniens à qui Israël conteste jusqu'au droit à l'existence, Mohammed VI a dû se rendre compte aujourd'hui qu'il ne dispose pas de lobbys identiques à ceux qui mettent à l'abri Netanyahu et qui ont contraint le président des Etats-Unis à abdiquer dans son engagement solennel à arrêter l'expansion israélienne. Le roi du Maroc a même indisposé Paris et Washington qui l'avaient jusqu'ici protégé. La première capitale par son soutien indéfectible et la seconde par son attitude de complaisance. Ce revirement de situation intervient la veille d'une réunion de première importance à L'Onu. Mardi, le Conseil de sécurité doit examiner le “génocide” perpétré par les forces de sécurité marocaines sur des populations sahraouies. L'instance exécutive a été saisie par le Front Polisario après la récente attaque des forces d'occupation marocaines contre le camp de Gdeim Izik, près de Laâyoun, la capitale du Sahara occidental rétrocédé au Maroc, en novembre 1975, par l'Espagne, toujours au yeux du droit international, son mandant international. Selon un bilan toujours provisoire, l'assaut des forces armées royales marocaines a fait 19 morts, 723 blessés et 159 disparus. Les Sahraouis de l'intérieur, sous le joug de l'occupation marocaine, avaient fui les villes pour des camps de fortune pour alerter ainsi la communauté internationale sur leur refus du fait accompli marocain, et cela avant l'ouverture du nouveau round de négociations avec la partie marocaine sous l'égide des Nations unies à Manhasset, une banlieue de New York. Les dirigeants du Maroc ont choisi, la veille de ce rendez-vous, le 7 novembre, pour commettre leur agression ! Pensaient-ils tuer les manifestations dans l'œuf ou afficher leur détermination à ne pas entrevoir d'autres solutions que la “marocanité” du Sahara occidental ? Si ce sont des conseillers israéliens qui leur ont soufflé cette option, force est de constater pour eux qu'ils sont bien roulés dans la farine. Un vaste mouvement de solidarité s'est propagé de Paris, Rome, Londres, Madrid et Berlin pour dénoncer la sanglante attaque de l'armée marocaine contre le camp de la liberté. Plus est encore, pour exiger le règlement rapide du conflit avec “la consécration du droit des Sahraouis à l'autodétermination”. Les opinions occidentales adossées sur des Ong exhortent leurs gouvernements respectifs à condamner le massacre perpétré par l'armée marocaine et à tout mettre en œuvre pour rétablir le droit au Sahara occidental. Le ministre espagnol des Affaires étrangères, dont le pays est en grande partie responsable de ce qui est advenu dans le Sahara occidental, a demandé Maroc de présenter des “éclaircissements d'une manière urgente”. Les manifestations pro-Polisario en Espagne sont venues non seulement confirmer l'ampleur de la condamnation du Maroc, mais la société civile, ses associations et des élus mobilisés pour la cause sahraouie exigent aussi du gouvernement espagnol de prendre ses responsabilités pour imposer au Maroc le règlement rapide du conflit avec la consécration du droit des Sahraouis à l'autodétermination. Les dirigeants britanniques ont quant à eux reçu cinq sur cinq le message de leurs manifestants. C'est d'Alger où il était en visite officielle que le ministre britannique chargé du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, M. Alistair Burt, a annoncé que le Royaume-Uni a l'intention de dépêcher une mission pour s'enquérir du respect des droits de l'homme au Sahara occidental. “Les événements qui se sont déroulés ces derniers jours nous incitent à le faire immédiatement”, a-t-il notamment affirmé. La Grande-Bretagne a réitéré, à ce propos, le soutien de son pays aux efforts de paix menés par l'Onu “à travers des négociations directes entre le Front Polisario et le Maroc, qui prennent en considération l'aspiration du peuple sahraoui à l'autodétermination”. Même mouvement de solidarité en Italie, où la cause sahraouie a toujours bénéficié d'un bon écho au sein des Ong. Ici, les manifestations se sont terminées devant l'ambassade du Maroc à Rome. Les protestataires représentent différentes institutions de l'Etat, des partis politiques, le mouvement associatif, syndical, et des jeunes ont répondu à l'appel de l'Association italienne de solidarité avec le peuple sahraoui. Dans leurs interventions, les orateurs ont exigé le respect des droits de l'homme par le Maroc, l'arrêt de la répression dans les territoires sahraouis occupés et l'exercice du peuple sahraoui de son droit à l'autodétermination. Ils ont également dénoncé avec fermeté le recours à la force brutale par les autorités marocaines en réponse aux légitimes revendications politiques, économiques, sociales et culturelles du peuple sahraoui, appelant la communauté internationale à intervenir pour contraindre le Maroc à mettre fin à l'occupation du Sahara occidental. La manifestation de samedi est la deuxième du genre qui s'est tenue dans la capitale française. Un rassemblement de représentants de la société civile française s'est tenu sur le parvis des droits de l'homme, place Trocadéro, pour exprimer leur indignation contre l'agression marocaine et exhorter le pouvoir français à se démarquer de sa posture pro-marocaine. La Suisse n'a pas été en reste. Les Verts demandent au Conseil fédéral d'intervenir au plus vite auprès du Maroc pour que cessent ces violences et que les droits humains y soient enfin respectés. La Suisse doit également rappeler les Nations unies à leurs responsabilités dans la mise en œuvre d'un plan de paix pour la région, dès lors que l'assaut sanglant lancé contre le camp de Gdeim Izik, où des Sahraouis qui s'opposent pacifiquement à l'occupation de leurs terres et au pillage de leurs ressources naturelles par le Maroc, vient aggraver une situation déjà très préoccupante. Le parti des Verts a appelé le Conseil fédéral suisse à plaider ouvertement pour l'autodétermination des Sahraouis. Si la résolution du conflit incombe à l'ONU, la clé de sa résolution est entre les mains de la France, des Etats-Unis, ainsi que de l'Espagne et d'autres pays importants de l'Union européenne. Ces pays, même s'ils ne reconnaissent pas la souveraineté du Maroc sur le territoire sahraoui, lui ont permis de conforter sa position.