L'article 5 du projet de loi relatif au cinéma, examiné cette semaine à l'Assemblée populaire nationale (APN), continue de susciter un large débat entre les députés, mais aussi entre cinéastes. L'article 5 en question stipule que “la production des films sur la guerre de libération nationale et ses symboles est subordonnée à l'accord préalable du gouvernement”. C'est le député Noureddine Aït Hamouda, du RCD, qui a ouvert le bal des débats en estimant que le projet de loi “criminalise les cinéastes”. Et, pourtant, la commission a demandé l'avis de 22 experts et professionnels du cinéma, parmi eux plusieurs réalisateurs connus et représentants des associations de cinéma pour examiner le projet en question. Parmi les réactions des professionnels sur cet article polémique, le producteur et réalisateur Bachir Derraïs, qui a déclaré à ce propos : “Si c'est pour bloquer des films qui portent atteinte à la révolution ou l'un de ses symboles, c'est ok, mais si pour alourdir les mesures de production déjà difficiles pour faire des films sur la Révolution, je suis contre. Il existe déjà le ministère de la Culture, ce département représente l'Etat à ce que je sache. C'est lui qui fournit les autorisations de tournage et étudie les scénarios à travers le Fdatic. Peut-être qu'il faut renforcer la commission du Fdatic par 2 ou 3 historiens chevronnés lorsqu'il s'agit des films historiques. Sinon, le gouvernement doit donner la responsabilité entière au ministère des Moudjahidine pour tout ce qui concerne la Révolution et ne pas multiplier par 30 les blocages et les autorisations pour les cinéastes et les créateurs. C'est positif, car c'est la première fois depuis longtemps qu'il n'y a pas eu de débat sur le cinéma. Maintenant, ça finira forcément par s'arranger.” Un autre réalisateur qui a préféré garder l'anonymat a déclaré que “cet article est mal expliqué et présenté par les députés du FLN. En définitive, nous sommes déjà contrôlés par l'Etat, puisque le ministère ou encore la télévision ont un doit de regard sur les scénarios écrits sur la Révolution. Donc, ce n'est pas de la censure, mais plutôt une régularisation de la profession”. En réalité, tous les projets sur la Révolution sont contrôlés, à travers la lecture du scénario. Des commissions d'étude du fait historique dépendant du ministère des Moudjahidine ont même été installées pour étudier les projets de documentaires produits par l'ENTV. Car ce qui échappe en réalité au contrôle de l'Etat, ce sont en réalité les documentaires. Les documentaires de Jean-Pierre Lledo, Algérie histoire à ne pas dire, ou encore la Chine est encore trop loin, de Malek Bensmaïl, qui ont été financés par le ministère de la Culture, sont au final sortis de leur contexte en écorchant les symboles de la révolution. Cela a poussé le ministère de la Culture à installer les mécanismes juridiques pour lutter contre les déviations historiques. L'autre fait qui a poussé le gouvernement à changer sa politique sur la production des films sur la Révolution, c'est le traitement des films sur les figures historiques. Le cas du film Benboulaïd et l'épisode de son assassinat suite à une trahison ont relancé le débat sur le fait historique. Les projets de film sur Krim Belkacem, présenté par Ahmed Rachedi, sur le colonel Lotfi, ainsi que sur Zabana et surtout sur Larbi Ben M'hidi ne doivent pas sortir du contexte historique déjà connu par des millions d'Algériens et des centaines d'historiens. En définitive, le ministère de la Culture ne fait qu'adopter des mécanismes qui existent déjà en France, où le film est contrôlé, avant d'accorder un financement.