Si les phytomédicaments sont en vogue partout dans le monde, leur essor en Algérie est compromis par la persistance de la tutelle à ne les considérer que comme des compléments alimentaires, donc non remboursables par la Sécurité sociale. Le vide juridique entretient l'anarchie dans la commercialisation des plantes par les herboristes. De notre envoyée spéciale à Mostaganem : Souhila Hammadi Le Congrès international sur la santé au naturel, organisé du 7 au 9 décembre à l'université de Mostaganem par le laboratoire de microbiologie et biologie végétale (département de biologie) de la faculté des sciences exactes et sciences de la nature et de la vie de l'université Abdelhamid-Ibn-Badis de Mostaganem et Magpharm, a eu le mérite d'engager le débat sur un domaine pharmaceutique dont le développement est freiné par des contraintes administratives et un vide juridique. Dr Djebli, l'un des artisans de la rencontre, animée par des experts venus de plusieurs pays (Bulgarie, Bosnie, Nigeria, Jordanie, Yémen et Libye) et au moins 17 chercheurs universitaires algériens, a affirmé qu'il fallait connaître à quel stade est parvenue la pharmacologie à base de plantes naturelles dans le monde et, surtout, quelle est la situation dans notre pays. Il a insisté sur la nécessité de “multiplier les recherches scientifiques dans le domaine de la médecine naturelle afin de diminuer la facture du médicament et mettre un terme graduellement à la dépendance des médicaments chimiques, qui comportent de nombreux effets secondaires”. Plus incisif, le Pr Hamdi Bacha Youcef, directeur du laboratoire pharmacologie toxicologie de l'université de Constantine, a déclaré que le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière délivre des autorisation de mise sur le marché (AMM) pour toutes les molécules chimiques, mais pas pour les médicaments à base de plantes naturelles. Ces derniers, bien que vendus exclusivement en officines, ne sont considérés que comme des compléments alimentaires, et donc exclus de la liste des produits pharmaceutiques remboursables par la Caisse de sécurité nationale. “Les médecins algériens ne prescrivent pas comme ils le voudraient les phytomédicaments car ils ne sont pas remboursés. En conséquence, l'industrie pharmaceutique ne développe pas les produits phytothérapie car ils ne générent pas de bénéfices. Nous entrons de plain-pied dans un problème d'ordre économique.” Il regrette cette situation, eu égard aux potentialités énormes que recèle le pays. Il a informé que 25 chercheurs ont réalisé des études sur environ 30 types de plantes, existantes en Algérie, et qui soigneraient de nombreuses maladies, comme le cholestérol, le diabète et les brûlures. À ce titre, Dr Djebli a indiqué que 500 genres de végétaux naturels non-exploités sont recensés en Algérie. “Le drame est que notre pays dispose de tous les ingrédients pour donner de l'essor à la production locale des phytomédicaments. Mais il n'y a pas, pour l'heure, de volonté politique allant dans ce sens. L'avantage des journées comme celles-ci (le congrès de Mostaganem) est d'amener, peut-être, les autorités compétentes à débloquer le dossier”, a déploré le Pr Hamdi Bacha. Il a poursuivi en disant que le vide juridique en matière de commercialisation des plantes médicinales les soustrait automatiquement à un contrôle scientifique rigoureux. “On fait rentrer et on vend n'importe quoi en Algérie. C'est pour cette raison qu'on fait face à une multitude de cas d'intoxication.” Une étude récente, conduite par des chercheurs de l'université d'Annaba, sur les plantes vendues par les herboristes, a fait ressortir que tous les échantillons analysés ne répondent pas aux normes. Dr Sohaïb Hachaïchi, directeur médical à Magpharm, a cité six risques inhérents à une phytothérapie non réglementée. Il s'agit d'une cueillette sauvage par des usagers (risque de prendre des plantes non comestibles), variabilité de la composante chimique, toxicité intrinsèque, interaction médicamenteuse et contamination. La fabrication des phytomédicaments est soumise, par contre, à une standardisation (étapes homologuées par l'OMS et les sociétés savantes). Magpharm importe 36 phytomédicaments qui soignent différentes maladies (coliques, toux, manque d'appétit, difficultés de concentration et d'apprentissage, troubles du sommeil, insuffisance veineuse, troubles de l'humeur, indigestion…). “Pour le moment, on fait de l'importation. Mais nous avons un projet de développement de notre propre usine de production”, a soutenu Dr Hachaïchi qui souhaite que “les produits phyto soient enregistrés en tant que médicaments, afin qu'ils soient remboursés par la Cnas, ce qui augmenterait le nombre de prescriptions”. Dr Guechi, médecin généraliste, a témoigné qu'elle prescrit, depuis des années, des médicaments à base de plantes naturelles pour ses patients. “Ils sont efficaces avec très peu d'effets secondaires, comparativement aux molécules chimiques”, a-t-elle attesté.