C'est hier, mardi, que devait se prononcer un tribunal de Londres sur l'éventuelle remise en liberté conditionnelle du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, interpellé la semaine dernière en Grande-Bretagne. L'Australien de 39 ans, qui crie au scandale et à la manipulation, est accusé de viol sur deux Suédoises. Comme beaucoup de ses partisans d'ailleurs, il estime que ce sont les révélations de son site qui lui ont valu d'être poursuivi par la justice. Des centaines de milliers de notes diplomatiques, plus ou moins compromettantes pour les Etats-Unis et d'autres pays, ont été publiées ou en voie de l'être par son site. Malgré son arrestation, les notes continuent d'être livrées au public et restent en sécurité dans un endroit tenu secret à Stockholm, en Suède. Pendant ce temps, les partisans de WikiLeaks multiplient les attaques contre des sites jugés ennemis et l'affaire fait grand bruit. Des manifestants s'organisent un peu partout dans le monde, notamment à Sidney, pour crier au complot et exiger la libération du Robin des Bois de la Toile. La presse australienne est particulièrement mobilisée. Une pétition en sa faveur circule sur Internet et comptabilise déjà plus d'un demi-million de signatures. Les Etats-Unis sont les plus ébranlés par les révélations de Wikileaks puisque la quasi-totalité des notes diplomatiques émanent des ambassades américaines à travers le monde. Il n'est donc nullement surprenant que les plus violentes attaques contre Julien Assange proviennent de ce pays et de ses alliés occidentaux. Dans ce contexte, son avocat, Mark Stephens, a assuré lundi qu'“un grand jury a été formé en secret” à Alexandria, près de Washington, pour parfaire les charges qui peuvent être retenues contre Julien Assange aux Etats-Unis. Si l'information se vérifie, cela signifie qu'une inculpation de l'intéressé ne saurait tarder. L'avocat a affirmé surtout que “la Suède s'inclinera devant les Etats-Unis” qui demanderont sont extradition aussitôt l'inculpation formulée. Selon lui, l'affaire de viol et de violence sexuelle “n'est rien d'autre qu'un moyen de le garder en détention”, ajoutant qu'“il est égal aux Américains qu'il soit détenu en Suède ou en Grande-Bretagne, tant qu'il est détenu”. L'administration américaine n'a pas caché son intention de poursuivre l'intéressé en justice, en s'appuyant sur la loi contre l'espionnage qui stipule, entre autres : “Toute personne ayant reçu ou obtenu (…) d'une autre personne tout document, note ou écrit concernant la défense nationale” sans autorisation préalable est passible de poursuites. Il ne fait pas de doute qu'il s'agit de l'affaire la plus médiatique de l'année 2010 et, probablement, de ce début du siècle si l'on fait abstraction des attentats du 11 septembre 2001. Pas un média ne peut faire l'impasse sur le sujet et des débats télévisés sont quotidiennement organisés à travers le monde. S'il va de soi que les politiques condamnent, ou tout au moins déplorent, l'initiative de WikiLeaks, l'opinion publique est plutôt partagée. Il n'y a pas jusqu'aux philosophes qui ne se sont emparés de l'affaire. Mais là aussi, des points de vue opposés s'affrontent. Il y a d'un côté les adeptes de Kant qui considèrent que la transparence est une vertu nécessaire à la liberté, et de l'autre ceux qui se réclament de Machiavel et qui considèrent que les peuples étant ce qu'ils sont, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dévoiler. Dans tous les cas, il ne fait pas de doute que l'affaire WikiLeaks impose un débat de nature nouvelle à l'humanité, un débat typiquement du troisième millénaire.