C'est un Premier ministre très conciliant qui s'est présenté, hier, devant les sénateurs pour répondre à leurs préoccupations. Intervenant à l'issue d'un débat de deux jours autour de la déclaration de politique générale du gouvernement, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a opéré un changement de ton avec celui qu'on lui a connu à l'Assemblée nationale. Ouyahia a tout d'abord fait une longue introduction avant d'entamer ses réponses aux interrogations des sénateurs. “Je tiens à vous préciser que mes réponses à vos questions ne constituent aucunement une autosatisfaction du gouvernement. Je reconnais qu'il y a des insuffisances et des retards dans le pays”, dit-il, avant d'indiquer : “Je ne veux pas non plus rentrer en polémique avec vous”. “Je vous interpelle pour un délai”, lance-t-il. “Ce n'est pas un délai pour le gouvernement que je revendique, mais bien un délai pour le pays partant du principe que dans d'autres pays, le processus de construction est rude, demande du temps et des efforts”, enchaîne-t-il. Rendre espoir à la jeunesse : mode d'emploi du Premier Ministre Dans sa réponse, Ouyahia propose une recette pour redonner espoir à la jeunesse. “Pour donner l'espoir aux jeunes, il faut leur dire qu'au moment où l'Algérie procède à la revalorisation des salaires des travailleurs et à l'augmentation des dépenses publiques et à la création de nouveaux postes d'emploi, d'autres pays réduisent les salaires, licencient des travailleurs et diminuent les dépenses publiques”. Aux yeux du Premier ministre, les parents et la société doivent jouer un rôle prépondérant dans l'apaisement des jeunes. “Il faut que les parents prennent en charge leurs enfants et que la société s'occupe des jeunes”, dit-il. Dans le même temps, il expliquera qu'“il faut informer nos jeunes du chemin parcouru depuis l'Indépendance, des erreurs durant les années 80 et comment, suite à notre négligence, notre gaspillage et notre populisme, nous avons perdu notre souveraineté nationale sur notre économie lors du rééchelonnement de nos dettes”. “Nous devons informer les jeunes qu'en raison des mêmes erreurs et parce que nous avons perdu la raison, nous avons vécu un véritable enfer social et nous nous sommes retrouvés au milieu d'une tragédie nationale dont nous nous rétablissons toujours”, explique encore le Premier ministre. “Les mosquées, ce n'est pas que yadjouz wa layadjouz” Selon le Premier ministre, l'éducation passe aussi par l'orientation et le discours religieux qui ne doit pas se limiter à ce qui est licite et illicite. “Les mosquées, ce n'est pas que yadjouz wa layadjouz”, dit-il. La mosquée, de l'avis de Ouyahia, doit prôner aussi les principes de droit et de justice félicitant que le ministère des Affaires religieuses “maîtrise la situation”. “Le gouvernement est soucieux de prendre en charge les jeunes et de satisfaire les besoins des citoyens, mais reste aussi attaché à l'application de la loi”, a-t-il affirmé à cet égard. Le Premier ministre a souligné que le fait “d'accorder davantage d'intérêt aux jeunes et faire, en cette situation d'effervescence, renaître l'espoir au plus profond d'eux devient ainsi une responsabilité très lourde”, appelant à “faire preuve de retenue et à faire valoir les réalisations positives de l'Etat”. Evoquant l'emploi, Ouyahia a indiqué “le chômage n'est pas une exception algérienne”. À ses yeux, la réduction du taux de chômage est “possible” à l'avenir, à la faveur des projets prévus par le plan quinquennal 2010-2014 qui permettra la création de trois millions d'emplois à travers les nouvelles structures et infrastructures comme les écoles et les hôpitaux. Les jeunes se sont trompés en octobre 88 “La jeunesse, c'est l'âge de la révolte, il faut la raisonner et ne pas la laisser dériver comme elle s'est trompée en octobre 88”. C'est, en tout cas, ce qu'a soutenu le Premier ministre en évoquant dans son discours la responsabilité à l'égard des jeunes. Et de noter : “On a poussé nos jeunes au terrorisme, ce qui nous impose aujourd'hui de les raisonner pour qu'ils ne commettent plus d'erreurs à l'avenir”. L'erreur, a-t-il précisé, était qu'”on a fait croire aux jeunes, à l'époque, qu'ils iraient au Paradis”, soulignant que la responsabilité des “grands” aujourd'hui consiste en le “devoir de pondération” et en la nécessité de “porter le message et de faire parvenir la préoccupation et l'intérêt”. Evoquant les harragas, Ouyahia dira qu'“il ne faut pas s'attendre à ce qu'il y ait au niveau du gouvernement celui qui légitimera les harragas”. “Celui qui se jette à la mer, s'il ne meurt pas ou il ne se fait pas prisonnier, il est embauché comme saisonnier, alors que l'Algérie offre des emplois saisonniers à 2 000 dinars la journée, qui ne trouvent pas preneurs”. L'école a fait des miracles du point de vue de la quantité Le Premier ministre a indiqué que l'éducation et de l'enseignement en Algérie ont évolué de façon considérable du point de vue quantitatif. “L'école algérienne a fait des miracles du point de vue de la quantité”. Dans le même temps, il indiquera que “nul ne peut ignorer le développement qualitatif que connaissent l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la formation". Le Premier ministre expliquera qu'en 2000, il a été procédé à la révision du niveau de recrutement, de la durée de la formation et du recyclage des enseignants, dont le nombre a connu une augmentation, outre l'introduction de l'outil informatique et des technologies, a-t-il précisé. Evoquant le renforcement de la transparence dans la gestion des finances publiques, Ouyahia l'a abordé en sus de la lutte contre la corruption. Sur cette question, il dira qu'“on rit quand on voit le classement que nous confèrent certaines ONG sur la corruption”. Le Premier ministre parlera, dans ce cadre, de l'introduction de ces instruments, ce qui a permis de réaliser une avancée dans la lutte contre les fraudes fiscales, douanières et financières et de “réduire le crime économique de 15 à 20%”, a-t-il précisé. “L'Algérie non gênée par les révélations de WikiLeaks” Sollicité en marge de ses réponses aux sénateurs sur une multitude de questions, le Premier ministre y répondra. Sur les révélations de WikiLeaks, le Premier ministre indiquera que “WikiLeaks est un monde vaste et ses révélations ne gênent nullement l'Algérie”. Quid de l'attitude de l'ancien ambassadeur américain en Algérie cité dans le cadre de ces révélations ? ”J'ai moi-même été ambassadeur et les missions de tout ambassadeur sont connues. Il reste au pays hôte de veiller à protéger ses intérêts et d'assurer sa sécurité”, note-t-il. Interpellé dans le même temps sur les résultats de l'opération de lutte antiterroriste menée, dans la région de Sid-Ali-Bounab (Tizi Ouzou), le Premier ministre indiquera que “le bilan sera fourni par les services concernés”. Interrogé, en outre, sur la circulation de faux billets de banque, le Premier ministre expliquera que ce phénomène “n'est pas une singularité algérienne et c'est en 2006 qu'il a été rendu public. Nous avons démantelé des réseaux en Algérie et même à l'étranger avec l'aide d'Interpol”. Aussi et tout en expliquant que la demande des billets pour le mois qui a précédé l'Aïd el-Adha a été multipliée par 500 dans certaines wilayas, le Premier ministre dira que “si on ne recourt pas à l'usage du chèque et des cartes interbancaires pour toutes les opérations financières, on risque de circuler avec des boîtes de billets”.