Près de trois décennies après la fin de la dictature, Jorge Rafael Videla a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour meurtre, torture et enlèvements commis entre 1976 et 1983. Après quelques années de sursis, accordé par l'ancien président Carlos Menen, Videla finira ses jours en prison. Il devait précisément répondre de l'exécution de 32 prisonniers politiques, ainsi que de l'enlèvement et de la torture de six autres. À cette époque, les chefs de la junte faisaient “disparaître” leurs opposants dans des centres clandestins de détention, où ils étaient torturés et la plupart du temps tués, souvent drogués puis jetés en mer. Les bébés des opposants étaient enlevés, et “donnés” sous une autre identité à des familles du régime, qui ne pouvaient pas avoir d'enfant ou le désiraient simplement, souvent même dans la plus grande ignorance des femmes… Cette période noire du pays est communément surnommée “sale guerre”. Quelque 30 000 personnes auraient ainsi disparu en sept ans, selon les associations de défense des droits de l'homme. On les appelle les “desaparecidos”. De leur côté, les dictateurs se sont toujours défendus de ces crimes, et affirment avoir mené une guerre contre le terrorisme. Les disparitions ? “Elles n'existent pas”, selon Videla. La “Sale guerre” ? C'était en réalité une “guerre juste”, a persisté celui qui a dirigé le pays de 1976 à 1981, devant le tribunal de Cordoba où il a comparu avec 29 autres anciens dirigeants militaires. “Les ennemis d'hier ont atteint leurs buts et maintenant, ils gouvernent ce pays et essaient de se faire passer pour les champions des droit de l'homme”, a-t-il insisté, selon ses propos rapportés par le quotidien argentin La Nacion. À la fin de son procès, il a encore affirmé assumer entièrement ses responsabilités militaires pour toutes les actions menées par l'armée argentine pendant cette “guerre intérieure”. Videla est le maître d'œuvre du coup d'Etat du 24 mars 1976, qui a instauré la dictature, il est d'ailleurs surnommé “le visage civil du coup d'Etat”. Il avait déjà été condamné à la réclusion à perpétuité lors d'un procès historique de la junte militaire en 1985, et avait passé cinq années en détention avant d'être gracié en 1990. L'ancien général a de nouveau fait l'objet de poursuites depuis que la Cour suprême a supprimé en 2005 les lois dites d'impunité, amnistiant les crimes commis par la dictature, sous l'impulsion de l'ancien président Nestor Kirchner. Le verdict a été applaudi par des milliers de personnes réunies devant le tribunal. Il est le dernier dictateur argentin encore vivant avec Reynaldo Bignone qui lui a succédé à la tête de la junte avant les élections de 1983 et le rétablissement de la démocratie. Celui-ci a été condamné en avril dernier à 25 ans d'emprisonnement pour crimes contre l'humanité. Selon le centre d'études légales et sociales (CELS), 1 464 personnes ont été formellement accusées d'avoir commis des crimes contre l'humanité durant la dictature argentine. 74 ont été jugées coupables.