La succession du père réveille des ambitions au sein de la fratrie. Le dauphin doit calmer leurs ardeurs. Tactique. Après la publication de notes diplomatiques américaines révélées par Wikileaks, faisant état d'une lutte pour la succession de Kadhafi entre les fils de ce dernier, Seïf al-Islam, que tout désigne comme le dauphin, a nié qu'il y ait une lutte pour le pouvoir entre lui et son frère. “Il n'y a pas de désaccord ni de lutte de pouvoir avec mes frères, comme l'ont rapporté des médias”, a indiqué Seïf al-Islam, assurant qu'il entretenait de bons rapports avec sa fratrie. Le second fils de Kadhafi, et le plus en vue parmi ses enfants, affirme aussi qu'il n'a pas de pouvoir dans son pays ni d'influence sur le gouvernement ! Ou il a été rappelé à l'ordre par un père lassé de voir sa succession à l'ordre du jour alors que rien ne vient présager sa prochaine mise à la retraite. Sinon, ce n'est qu'un démenti destiné à la consommation interne des Libyens pas très heureux dans le fond de voir revenir chez eux un pouvoir dynastique, après le règne des Senoussi. Reste que l'annonce, le 15 décembre, par l'influente Fondation Kadhafi, dirigée par Seif al-Islam, qu'elle ne défendrait plus les réformes politiques et qu'elle se consacrerait désormais à ses activités caritatives, n'a pas dupé les observateurs. Seïf al-Islam, élevé pour remplacer son père à la tête de la Libye, est conscient, qu'aujourd'hui, le mélange des genres en politique ne passe plus, à moins de s'assumer en tant qu'autocrate, d'autant qu'il s'est évertué à donner de lui une image de démocrate. Par contre, tout porte à penser que les informations sur l'abandon par la Fondation Kadhafi junior de son rôle politique et la série d'arrestations de journalistes appartenant à la société Al-Ghad, propriété de Seif al-Islam, découlent de luttes de pouvoir dans une Libye, dirigée sans partage depuis 1969 par le colonel Mouammar Al-Kadhafi. Bien qu'il n'occupe aucun poste officiel, Seïf al-Islam défendait depuis 2007 un projet de réformes pour moderniser son pays, qui prévoyait en particulier d'établir une constitution et de relâcher l'emprise de l'Etat sur la presse et la société civile. Depuis un certain temps, son programme de réformes connaît des revers, notamment dans le domaine de la presse. Cela dit, régulièrement présenté comme le successeur de son père, Seïf al-Islam laisse planer le doute sur ses ambitions, mais à Tripoli, personne n'en doute plus : il sera le successeur de Mouammar Al-Kadhafi, le doyen des chefs d'Etat en Afrique. Kadhafi a pris le pouvoir le 1er septembre 1969 alors qu'il était capitaine de l'armée libyenne. Le tombeur de la dynastie senoussie avait à peine 27 ans. Kadhafi, qui a fait l'économie d'élections à son pays, entend, affirme-t-on dans certains milieux libyens, prendre modèle sur les pouvoirs syrien, gabonais et nord-coréen. Le premier enfant de Kadhafi, Mohamed, né d'un premier mariage éphémère, oublié dans les arcanes politiques libyennes, cherche aujourd'hui à émerger, dit-on à Tripoli. Le cadet de Seïf al-Islam, Essaïdi, qui a défrayé la chronique par sa passion pour le football, n'a fait montre d'aucun goût particulier pour la politique, du moins jusqu'ici. Par contre, leur sœur Aïcha prend parfois l'air d'une véritable amazone. Elle s'est distinguée dans le bras de fer qui a opposé Genève et Tripoli à propos d'une affaire découlant de frasques des enfants Kadhafi en Suisse. Il s'en est fallu de peu, les deux pays étant arrivés au bord de la rupture. Aïcha a préparé un doctorat en sciences politiques à Paris. Le dauphin aux allures de play-boy ne manque pas lui aussi de parchemins universitaires : lauréat du département d'architecture à l'université du Fateh à Tripoli, le successeur présumé du Guide a engrangé d'autres diplômes en économie et en marketing, d'abord en Suisse, en Autriche puis en Grande-Bretagne. Polyglotte, Seïf al-Islam, sans se départir de sa culture bédouine, semble ouvert et se plaît dans les milieux cosmopolites. Il donne de lui l'image d'un homme dans l'air du temps occidental, cela s'entend. Grâce à sa fondation, il s'est forgé une bonne renommée sur le plan national mais surtout à l'étranger. Dotée de ressources financières considérables, son institution choisit des créneaux forts médiatisés : libération d'otages et aide aux victimes de conflits et de catastrophes naturelles.