La présence en Tunisie du plus haut responsable de la diplomatie américaine pour la région, Jeffrey Feltman, indique que les Américains ne comptent pas être en reste dans l'évolution de la situation dans ce pays où ils n'ont rien fait pour empêcher la chute de Ben Ali, bien au contraire. Les Etats-Unis accordent une importance particulière à la “Révolution du Jasmin” et prennent leurs dispositions pour accompagner les développements qui en découlent, comme le montre la visite à Tunis de Jeffrey Feltman, le secrétaire d'Etat adjoint américain pour les Affaires du Proche-Orient. La phrase du porte-parole du département d'Etat américain, Philip Crowley, “le gouvernement tunisien doit continuer à répondre aux exigences du peuple, et nous verrons où cela va”, est révélatrice à plus d'un titre de l'intérêt que porte Washington à la situation en Tunisie. On peut même dire qu'elle a encouragé la chute du régime de Ben Ali. Ceci étant, officiellement, Feltman est en Tunisie pour des entretiens sur “les réformes démocratiques et les élections” avec le gouvernement de transition, si on se réfère au communiqué du département d'Etat américain. Le premier responsable tunisien rencontré par Feltman a été le ministre des Affaires étrangères, Kamel Morjane, qui occupait la même fonction sous le régime répressif du président Zine El Abidine Ben Ali. En dépit de cela, le chef de la diplomatie tunisienne, qui est bardé de diplômes d'universités américaines, a souvent été présenté en Tunisie comme le candidat de Washington pour succéder à Ben Ali, bien qu'il présente, aujourd'hui, le lourd handicap d'avoir appartenu à l'ancien régime, dont la contestation populaire tunisienne réclame la disparition de tous les symboles. C'est dire que ce n'est pas fortuit. Sa mission est de rencontrer des responsables du gouvernement tunisien, des dirigeants de partis politiques et les défenseurs de la société civile “afin d'exprimer le soutien américain au peuple tunisien”, souligne la même source. Le haut responsable américain “discutera des moyens à travers lesquels les Etats-Unis peuvent être un partenaire constructif pour la Tunisie au moment où elle trace sa voie vers une plus grande liberté politique et sociale, œuvre à atteindre des élections transparentes et crédibles et où son gouvernement s'attaque aux causes politiques et économiques sous-jacentes qui ont conduit aux récents troubles”. Parmi les principales missions de Jeffrey Feltman, qui quittera aujourd'hui Tunis, figure une offre d'aide des Etats-Unis à l'organisation d'élections. Justifiant cette implication américaine, Philip Crowley, le porte-parole du département d'Etat américain, a déclaré, au sujet du cabinet de Mohamed El Ghannouchi, que “c'est un gouvernement qui se donne du mal pour répondre aux aspirations de son peuple, et nous sommes encouragés par les mesures prises jusqu'à présent”. Le département d'Etat souligne également que “les Etats-Unis visent à appuyer la transition démocratique de la Tunisie, tout en reconnaissant qu'il s'agit d'un processus initié et dirigé par les Tunisiens”. Pour rappel, l'administration américaine, discrète pendant la plus grande partie de la crise qui a mené au départ du président déchu, avait proposé un peu plus tôt l'aide des Etats-Unis au gouvernement intérimaire, afin qu'il “organise une véritable transition vers la démocratie”. La chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, s'était entretenue, samedi dernier, avec le chef du gouvernement de transition, Mohamed El Ghannouchi, lui témoignant la “solidarité” de Washington avec les Tunisiens après la chute du régime Ben Ali, et l'assurant que les Etats-Unis étaient “prêts à aider le peuple tunisien à relever les défis à venir”. Tout indique que les Américains sont aux aguets, disposés à mettre à profit tout événement dans la région pour s'imposer comme un acteur incontournable. Leurs concurrents sont avertis.