Certains crient à l'épouvantail islamiste et sont convaincus que la menace est exagérée. Que les élites arabes démocrates le pensent, c'est à demi-mal. Mais qu'Obama enfourche cette thèse avec la naïveté d'un boy-scout. C'est problématique. Ghennouchi qui revient dans la liesse à Tunis, les Frères musulmans égyptiens qui rejettent la nomination d'Omar Suleïmane, le Hamas palestinien qui jubile face à la contestation en Jordanie… dans le chaos qui étrangle le monde arabe, les islamistes ne sont jamais loin en épousant la vague populaire de la contestation. La démocratie est en marche. Mais quelle couleur va-t-elle prendre ? Indéniablement le vert. Celle d'une islamisation forcenée des sociétés arabes qui se croient être prémunies contre le fléau du fondamentalisme. Certains crient à l'épouvantail islamiste et sont convaincus que la menace est exagérée. Que les élites arabes démocrates le pensent, c'est à demi-mal. Mais qu'Obama enfourche cette thèse avec la naïveté d'un boy-scout. C'est problématique. L'administration Obama, qui s'est empressée d'accompagner le mouvement populaire en Tunisie après avoir fait pression sur l'armée tunisienne pour “dégager” Ben Ali, est beaucoup plus gênée sur le cas égyptien. Et pour cause. Voilà le “pivot” de leur politique au Moyen-Orient qui est secoué par une crise majeure qui risque, à terme, de mettre leurs intérêts stratégiques dans la région en danger et faire sauter un Etat-tampon dont Israël a vitalement besoin. Obama et Clinton multiplient les déclarations contradictoires. Un coup, c'est le soutien discret au régime Moubarak, un autre, à la population. L'arbitrage est délicat. On accepte la solution de transition qu'est Omar Suleïmane mais la rue égyptienne n'en démord pas. Comme hier à Tunis, au Caire, on veut le démantèlement d'un système avec cette lancinante question : qui viendra après ? Dans ce jeu, les islamistes sont en embuscade. Ils ont eu l'intelligence “scientifique” de ne pas se mettre en avant. Ghennouchi évoque le “modèle turc” pour la Tunisie pour rassurer les Occidentaux sensibles qu'il n'est pas un second Khomeïny. En oubliant que la laïcité est un mot vidé de son sens dans les pays arabes par ces mêmes islamistes. En Egypte, les Frères musulmans ont réussi à se fondre dans la société au point de s'y confondre. Le slogan des militants fraîchement rasés dans les rues du Caire est simple : “Vous voyez un Frère musulman dans la rue ?” Effectivement, l'islamiste a su se rendre invisible. Dans les quartiers populaires, les salons, les universités ou la rue, la salafia a pris les habits neufs du démocrate et lui a emprunté sa technologie pour la substituer à la modernité. La mosquée est devenue un lieu suspect d'abord pour le militant islamiste qui sait qu'on l'y trouvera. L'islamiste a un projet de société dans lequel la démocratie est absente sauf si elle est à son service. L'angélisme de Washington risque de se rendre compte trop tard. Comme d'habitude.