Depuis son “minaret” cairote, Barack Hussein Obama a parlé. Même si plus de un milliard de musulmans ne croient plus aux discours, le speech du président américain a eu le mérite de n'éviter aucun sujet tabou. Obama n'a pas choisi la facilité. Les musulmans étaient à l'écoute du “prêche” le plus important venu du Caire. Ils ne sont pas insensibles au charme rhétorique d'un président américain qui doit être invariablement un fou génial pour croire qu'il pouvait donner une nouvelle orientation au dialogue impossible entre l'Amérique et le monde musulman. Et pourtant, Barack Obama a fait fort. Il a fait fort dans les intentions, car ce discours marque une rupture telle que ses compatriotes américains n'ont pas digéré qu'il aille aussi loin dans les concessions. Et pourtant, ce n'est pas un Obama qui a renié les principes de la politique américaine à l'égard du monde musulman qui s'est présenté, mais un président américain qui a dit aux musulmans d'avoir leur part de responsabilité. Egalité de la femme, l'accès au nucléaire civil, le droit des Palestiniens à un Etat, la comparaison des Palestiniens avec les esclaves “afro-américains” et les Noirs durant l'Apartheid, le nucléaire israélien, l'extrémisme religieux, le foulard, l'exportation de la démocratie occidentale et tant d'autres sujets qui fâchent qu'Obama a abordés frontalement. Sans pour autant renier l'héritage américain. Et maintenant ? Au-delà de la réaction ironique du Hamas palestinien qui le compare à Martin Luther King, saluant ses qualités oratrices sans s'attarder sur le fond, la réaction du monde musulman est mitigée. Les musulmans s'attendaient à beaucoup comme si Obama allait venir leur dire que Washington allait lâcher Tel-Aviv. Que les Américains ont oublié les traumatismes du 11 septembre 2001 et que la puissance américaine allait se départir de ce qui fait essentiellement sa force. Sur ce plan, Hussein n'avait pas droit au chapitre. Le drame d'Obama est qu'il soit né trop tard. Il est venu à un moment où le monde musulman vit des convulsions bien trop complexes pour les expédier avec un discours, aussi sublime soit-il. Les divisions dans ce monde musulman, entre chiites et sunnites, entre différents rites sunnites et entre les courants qui traversent la salafia sont trop pénétrants dans les sociétés musulmanes pour qu'Obama puisse faire passer son message. Il incarne l'Amérique. C'est un fait, mais l'autre fait est qu'il fait paniquer les extrémistes par sa politique de dialogue et de partenariat. À l‘image de ce discours, le monde musulman est partagé. Certains diront qu'il en a fait trop pour être honnête. D'autres, qu'il n'en a pas fait assez pour être crédible. Même s'il a cassé des tabous, Obama s'est adressé de manière psychanalytique à une ouma islamique croyant que le seul ciment de l'islam permet de faire un discours unificateur et audible du Maroc à l'Ouzbékistan. Les élites laïques ont été abandonnées en route, ceux qui ont lutté contre l'islamisme sont priés de respecter l'alternance démocratique, fût-elle intégriste et aucun mot à l'égard des régimes arabes, alliés pragmatiques des Etats-Unis si utiles à la doctrine américaine. Obama rêve d'un monde musulman comme en rêverait un Arabe qui écoute Rotana le matin et télécharge les vidéos de Ben Laden le soir. Obama a fait un discours d'un middle-class musulman. Le monde musulman est devenu fragmenté à tel point que la vision américaine de l'idéal Muslim World peut se résumer au dialogue des religions de la Jordanie, à la laïcité de la Turquie, à l'utilité géopolitique de l'Egypte, au pétrole de l'Arabie Saoudite, au laboratoire démocratique de l'Irak, à la puissance chiite de l'Iran, à la coopération sécuritaire du Pakistan, à l'islam paisible de l'Indonésie, au coffre-fort du sultanat du Bruneï, à la quiétude touristique du Maroc, à la gestion de l'islamisme de l'Algérie ou à l'organisation de changements par la société civile dans les pays comme le Soudan, le Yémen ou la Syrie. Cette synthèse du monde musulman n'existera pas même s'il ne faut pas enlever le mérite au président américain d'avoir tenté. C'est courageux et utopique comme ce héros hollywoodien qui inverse la tendance à la fin du scénario. C'est américain.