Le président yéménite Ali Abdoullah Saleh, au pouvoir depuis trente ans, a annoncé, hier devant les députés, qu'il ne se représenterait pas à l'élection présidentielle de 2013 et qu'il ne transmettrait pas le pouvoir à son fils Ahmed. “Je suis contre un mandat à vie et contre la transmission héréditaire du pouvoir”, a-t-il déclaré. L'engagement tardif du président yéménite n'est pas le fruit du hasard. Il intervient après une série de manifestations de contestation de son pouvoir et à la veille d'une “journée de la colère” à l'égyptienne, prévue aujourd'hui même. S'il s'est exprimé précisément sur ces deux points, c'est parce qu'il avait programmé une révision constitutionnelle qui lui ouvrirait la voie à une présidence à vie. Ce sont les parlementaires devant lesquels il s'exprimait qui devaient examiner le projet dès le 1er mars. De même, son intention de transmettre le pouvoir à son fils Ahmed est un secret de Polichinelle au Yémen. En renonçant publiquement aux deux projets qui lui sont chers, Ali Abdoullah Saleh tente de désamorcer une crise, qui prend des allures de lame de fond, soucieux d'éviter un scénario à la tunisienne ou à l'égyptienne. Rien n'indique, cependant, qu'il y arrivera, tant les exemples tunisien et égyptien prennent figure de modèle pour les peuples arabes soumis au pouvoir despotique et corrompu de ses dirigeants. La “journée de la colère”, organisée aujourd'hui à l'appel de l'opposition, sera sans doute un indicateur fort sur la direction que prendront les évènements dans les jours et les semaines à venir. Incontestablement, le président yéménite craint cette journée qui intervient 48 heures seulement après le succès retentissant de la “marche du million” en Egypte. À l'image de tous les dirigeants arabes ébranlés par le vent de liberté qui souffle dans toute la région, Ali Abdoullah Saleh a multiplié les mesures sociales ces derniers jours. Création d'un fonds pour l'emploi des diplômés, extension de la couverture sociale et réduction de l'impôt sur le revenu figurent parmi les décisions prises la semaine dernière. Mais l'opposition reste sceptique et toute prête à croire qu'elle ne baissera pas les bras. En plus des manifestations populaires pour la démocratie, le pays vit une situation intérieure complexe et difficile. Les révoltes tribales dans le Nord, le mouvement sécessionniste dans le Sud et la présence massive d'Al-Qaïda sur le sol yéménite constituent à eux seul un mélange explosif. La protesta qui se met en place depuis quelques jours pourrait être la mèche qui favorisera la conflagration.