Au lendemain de la répression de la marche initiée par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie, le gouvernement algérien essuie des critiques et autres rappels à l'ordre de la part des grandes puissances occidentales. Pris de court par la chute brutale de Zine El-Abidine Ben Ali en Tunisie et de Hosni Moubarak en égypte sous la pression de la rue, Américains et Européens semblent s'être amendés de leurs erreurs passées quand ils couvraient de leur silence complaisant des atteintes graves aux libertés et autres exactions commises par les régimes despotiques de l'hémisphère-Sud. Conséquence : la violente répression de la marche du 12 février par la police n'est pas restée sans conséquence puisque le lendemain seulement, l'UE, les USA, l'Allemagne et la France ont condamné en chœur le recours à la force par les autorités algériennes pour empêcher des manifestations pacifiques. Dans un communiqué rendu public le 13 février, le porte-parole du département d'état américain, M. Philip Crowley, a écrit : “Nous prenons acte des manifestations actuelles en Algérie, et appelons à la retenue les forces de sécurité.” Après avoir réaffirmé le soutien de son pays “aux droits universels du peuple algérien, y compris les droits de réunion et d'expression”, ceux-ci s'appliquant aussi sur Internet, et qui “doivent être respectés”, M. Crowley prévient Alger que les Américains “suivront de près la situation ces prochains jours”. L'UE a, elle aussi, sonné les cloches aux autorités algériennes en les appelant, dimanche, à respecter le droit des Algériens à manifester pacifiquement. Tout en exigeant la libération “immédiate” de “tous les manifestants arrêtés sans exception”, le président de l'Union européenne, M. Jerzy Buzek, a exhorté les autorités algériennes “à ne pas céder à la violence et à respecter le droit de leurs citoyens à manifester pacifiquement”. Même les deux pays locomotives de l'UE ne se sont pas privés de rappeler à l'ordre Alger. Sur les ondes de la chaîne ARD, le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, a soutenu que “le gouvernement allemand appelle le gouvernement algérien à renoncer à tout recours à la violence”. “Il s'agit de manifestants désireux de liberté, qui ne font rien d'autre qu'exercer un droit humain, à savoir le droit de défendre dignement leur point de vue. C'est pourquoi nous condamnons toute forme de recours à la violence”, ajoute le chef de la diplomatie allemande, précisant que “nous sommes, en tant que démocrates, du côté des démocrates.” Ne pouvant rester à l'écart de ce mouvement de condamnation du régime algérien par les grandes puissances occidentales, les Français ont mis aussi leur grain de sel sans trop accabler le régime algérien, se contentant d'émettre le souhait qu'en Algérie les manifestations puissent se dérouler “librement et sans violence”. “S'agissant des manifestations organisées à Alger et dans certaines grandes villes, ce qui est important à nos yeux, c'est que la liberté d'expression soit respectée et que les manifestations puissent se dérouler librement et sans violence”, a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero. Voulant ménager le chou et la chèvre, M. Valero a tenu à décerner un bon point aux autorités algériennes, estimant que la mise en œuvre de mesures de levée de l'état d'urgence et d'ouverture des médias audiovisuels, promises par le chef de l'état, constituera “à l'évidence, un pas dans la bonne direction”. “Nous avons pris note de l'ensemble des décisions annoncées lors du dernier Conseil des ministres du 3 février en Algérie, en particulier la levée imminente de l'état d'urgence et l'ouverture du champ audiovisuel aux différentes sensibilités politiques. Ces mesures, dès qu'elles seront mises en œuvre, constitueront à l'évidence un pas dans la bonne direction pour répondre aux attentes du peuple algérien”, a-t-il souligné. Reste à savoir si ce carton rouge des grandes puissances occidentales aura un effet de persuasion sur les autorités algériennes. Feraient-elles dorénavant preuve de retenue en laissant l'opposition organiser librement des manifestations, y compris dans la capitale, ou ressortiraient-elles la vieille rengaine, usée jusqu'à la corde, de l'ingérence étrangère dans les affaires internes du pays ? Réponse le 19 février, jour de la seconde marche à laquelle vient d'appeler la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD).