On s'attend à ce que l'ordonnance, portant la levée de l'état d'urgence, soit soumise à adoption lors de la session de printemps du Parlement qui débutera, comme chaque année, le 2 mars prochain. C'est que nous avons appris auprès d'une source parlementaire, qui ajoute : “Durant la vacance du Parlement, qui se déroule actuellement et selon le Texte fondamental, le président de la République peut légiférer par ordonnance entre deux sessions et soumettre la mouture pour adoption à la reprise de la session du Parlement”. Il faut rappeler que le Parlement peut se réunir également en session extraordinaire conformément aux dispositions de l'article 118 de la Constitution, à l'initiative du président de la République ou à la demande du Chef du gouvernement ou des 2/3 des membres composant l'Assemblée populaire nationale. Va-t-on voir des partis politiques non agréés recevoir le sésame pour activer librement ou encore les syndicats autonomes obtenir enfin leurs agréments après des batailles qui ne les ont jamais usés ainsi que les associations qui activent clandestinement, va-t-on voir des publications jusque-là interdites ? “C'est ce qui doit, en fait, arriver car la levée de l'état d'urgence va déverrouiller toutes les restrictions imposées durant les dix-neuf ans passés”. Concernant les marches et les rassemblements à Alger, notre interlocuteur hésite avant de répondre en répliquant : “la levée de l'état d'urgence suppose que les manifestations pacifiques soient autorisées, mais il y a l'équation du tout-sécuritaire qui doit être prise en compte. La levée de l'état d'urgence est tributaire des lois contre le terrorisme, nous ne pouvons pas dire exactement ce que contient la mouture pour l'instant, mais cela va désamorcer un tant soit peu la colère sur le plan politique ; elles seront certainement suivies par des mesures sociales que le gouvernement doit entreprendre afin d'apaiser les tensions.” Le président Bouteflika avait, sous la pression de la rue et notamment après les émeutes du mois dernier, concédé à abroger l'état d'urgence qu'il a lui-même prorogé en 1999, en le justifiant par la poursuite de la lutte contre le terrorisme. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, lors d'un entretien accordé à un média français, avait confirmé l'abrogation de la loi liberticide en précisant que “l'état d'urgence serait bientôt levé, dans les jours prochains, on en parlera comme du passé”, en indiquant que “le retour à l'Etat de droit permet de manière totale l'expression des opinions, mais toujours par référence à la loi. Les mesures exceptionnelles prévues par l'état d'urgence pourront être levées, mais la lutte contre le terrorisme sera encadrée par des lois”. Le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh), Mustapha Bouchachi, avait récemment déclaré, à ce propos, que “l'état d'urgence, tel qu'il est instauré aujourd'hui en Algérie, est une mesure anticonstitutionnelle. Toute décision de le prolonger ou d'y mettre fin doit être décidée par le Parlement. Il avait été instauré le 9 février 1992 afin de combattre le terrorisme. Or, le gouvernement ne cesse de répéter depuis une dizaine d'années que le terrorisme est vaincu et que l'heure est à la réconciliation nationale. Il s'agit d'une violation de la Constitution et de l'Etat de droit”. Les partis du FFS et du RCD restent circonspects. Pour le premier, “cette mesure peut être perçue comme un signal positif mais le projet d'élaboration d'une nouvelle loi intitulée loi antiterroriste engendre l'inquiétude et le soupçon”. Pour le deuxième parti, “c'est une manœuvre destinée à créer la diversion”. Mais la levée de l'état d'urgence sera-t-elle suffisante pour apaiser les esprits ? Les révolutions en Tunisie et en Egypte ont attisé le désir du changement démocratique dans les pays arabes, et l'Algérie n'est pas en reste. La CNDC, qui compte organiser des marches hebdomadaires assorties de grève générale, ne va certainement pas s'arrêter au simple fait d'une levée de l'état d'urgence conditionné. C'est le changement radical qui est demandé. Pour rappel, le 13 février 1992, par application de l'article 86 de la Constitution de 1989, le président du Haut-Comité d'Etat, Mohamed Boudiaf, par décret présidentiel n°92-44 du 9 février 1992, avait institué l'état d'urgence, à compter du 9 février 1992 à 20 heures pour une durée de douze mois sur l'étendue du territoire national. Il est noté que “l'instauration de l'état d'urgence ne doit pas interrompre la poursuite du processus démocratique de même que continue à être garanti l'exercice des droits et libertés fondamentaux”. Cependant, au regard des politiques de la main tendue, la concorde nationale et par la suite la réconciliation nationale, ce décret devait être abrogé mais il ne l'a pas été fait et l'état d'urgence a été prorogé en violation de l'article 91 de la Constitution qui en limite la durée. Concernant, les rappels à l'ordre des pays occidentaux quant au respect des droits des Algériens, il ne faut pas s'étonner de cette “ingérence” car il faut savoir que l'Algérie a ratifié 23 conventions et pactes internationaux relatifs aux droits de l'Homme, et ce, depuis 1989. Elle est également signataire du Pacte international portant sur les droits civils et politiques (PIDCP) et ne peut donc se dérober à ses engagements sans se faire sermonner.