Le président de la République empêchera ainsi les élus islamo-conservateurs de faire de la surenchère sur ce projet délicat. La révision du code de la famille sera probablement présentée à l'Assemblée populaire nationale puis au Conseil de la nation, durant la prochaine session parlementaire de printemps, sous forme de projet d'ordonnance, avons-nous appris de sources concordantes. Le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, fera valoir, si l'option est définitivement retenue, l'une de ses prérogatives constitutionnelles. L'article 124 de la loi fondamentale stipule en effet : “En cas de vacance de l'Assemblée populaire nationale ou dans les périodes d'intersession du Parlement, le président de la République peut légiférer par ordonnance. Le président de la République soumet les textes qu'il a pris à l'approbation de chacune des Chambres du Parlement, à sa prochaine session. Sont caduques les ordonnances non adoptées par le Parlement”. L'usage du pouvoir que lui confère la Constitution, serait dicté au chef de l'Etat par l'impératif de faire aboutir coûte que coûte un projet qui susciterait indéniablement des débats passionnés au Parlement s'il suivait la procédure régulière. D'autant que les députés, particulièrement les islamistes (MSP et mouvement El-Islah), les ultra-conservateurs du FLN et quelques indépendants, menacent de compromettre l'adoption du projet de révision de la loi de 1984 s'il n'est pas expurgé de certains amendements proposés par la commission Boutarn puis validés par le Conseil de gouvernement en août dernier (particulièrement la suppression du tutorat matrimonial pour les femmes majeures et les conditions imposées aux maris qui veulent contracter un deuxième ou un troisième et même un quatrième mariage). Une ordonnance est soumise au vote des parlementaires sans débat. Réviser le code de la famille sous cette forme épargnerait au gouvernement, et évidemment au président de la République, de subir des interventions au vitriol des élus opposés au projet. Il s'agirait aussi de prévenir contre des amendements susceptibles de compliquer encore davantage la situation de la femme, qu'elle ne l'est déjà à cause des dispositions discriminatoires contenues dans la loi de 1984. Le président Bouteflika ne peut plus se permettre, par ailleurs, selon nos interlocuteurs, d'ajourner continuellement le passage de l'avant-projet de révision du code de la famille en Conseil des ministres, puis au Parlement. Il se doit de respecter les engagements, tenus devant les femmes le 8 mars 2004, de procéder juste après sa réélection à la magistrature suprême, à des modifications, empreinte du caractère d'urgence, dans le code de la famille. Il est tenu aussi de céder, tôt ou tard, aux pressions des membres du G8 et des organisations non gouvernementales de défense des droits humains, qui attendent que l'Etat, qu'il représente, corrige enfin les erreurs commises, pendant vingt ans, contre les femmes au nom de la loi. S. H.