Pour eux, l'armada policière déployée hier, loin d'être un signe de force, témoigne, au contraire, d'une peur du mouvement de changement. Des femmes, des hommes, des syndicalistes, des étudiants, des militants politiques, associatifs ou encore de simples citoyens se sont donné, hier, rendez-vous à la place du 1er-Mai, pour une deuxième marche pacifique. Répondant à l'appel lancé par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), les manifestants ont été, encore une fois, empêchés de mener leur action à cause de la machine policière mobilisée par le ministère de l'Intérieur. Même schéma que celui de la semaine dernière : les protestataires se sont vus bousculés, malmenés et brutalement tabassés. Rares seront ceux qui échapperont à cette répression. Encore une fois, Ali Yahia Abdenour, président d'honneur de la Ligue nationale de la défense des droits de l'Homme (Laddh), a été la cible des policiers. Il a été bousculé puis conduit dans un immeuble afin de ne pas se joindre à la manifestation. “Cette marche est pour le peuple et personne ne pourra récupérer le mouvement qui est en train de se construire, et encore moins le gouvernement”, a déclaré Ali Yahia Abdenour, qui déplore également la “manipulation” du gouvernement qui vise à casser la révolte populaire. Il dénonce énergiquement le comportement agressif et disproportionné des services de sécurité. “Le gouvernement a choisi la répression face à des Algériens qui veulent militer pacifiquement. Il est dans la démonstration de force et cela donne une image peu honorable de notre pays”, regrette, pour sa part, Me Mustapha Bouchachi, président de la Laddh. Il a également condamné les agissements des autorités publiques consistant à mener une “contre-campagne” contre les actions de la coordination en semant la peur et en incitant les habitants des quartiers d'Alger à empêcher les manifestants de mener leur action pacifique. “Il faut que le gouvernement cesse de considérer Alger comme une houma (un petit quartier). La capitale appartient à tous les Algériens et qu'il (gouvernement) arrête de cultiver l'esprit communautaire”, prévient Idir Achour, porte-parole du Conseil des lycées d'Algérie (CLA). Réagissant au communiqué affiché dans le quartier du 1er-Mai, le syndicaliste accuse les autorités publiques de vouloir diviser le peuple en cultivant le régionalisme et en manipulant les habitants d'Alger. “À travers ces agissements, le gouvernement veut créer deux Etats : la capitale, qui n'est réservée qu'à leurs activités, et une autre Algérie dont personne ne se soucie. Cela est dangereux car il s'agit là de l'unité du pays”, regrette le porte-parole du CLA. Malgré la répression, Idir Achour estime que “les actions de la coordination ont créé une certaine pression sur le gouvernement qui commence à lâcher du lest en annonçant certaines mesures, notamment la promesse de la levée de l'état d'urgence avant la fin de ce mois”. S'exprimant au milieu des manifestants, Salem Sadali, porte-parole du syndicat du Satef, assure que le changement aura lieu, et ce, en dépit de la répression. “Le pouvoir promet la levée de l'état d'urgence et use de la violence et du chaos contre des manifestants pacifiques. Il veut réprimer à huis clos un peuple qui veut s'exprimer et revendiquer ses droits”, s'est-il-indigné. Sadali s'est interrogé, également, sur la réalité des annonces faites par le gouvernement. “La répression d'aujourd'hui démontre réellement les intentions et les fausses promesses du gouvernement destinées à gagner du temps et à tromper l'opinion internationale”, a-t-il estimé. Amine Menadi, représentant du collectif Algérie Pacifique, a également dénoncé la brutalité policière ainsi que les manœuvres destinées à semer la peur au sein des jeunes du collectif de Pacifique Algérie. Il dira qu'en dehors du piratage de leur compte e-mail, des policiers ont procédé à certaines interpellations quelques jours avant l'action de la coordination. “Certains membres du collectif ont été interpellés dont un sera traduit en justice cette semaine pour le motif de distribution de tracts appelant à une marche interdite”, a-t-il indiqué.