Alors que le malaise touche toute l'université algérienne, les étudiants s'organisent et construisent leur mouvement. Des collectifs et des coordinations d'étudiants autonomes ont vu le jour. Le nombre d'étudiants en colère ne cesse d'augmenter. Hier encore, ils étaient des milliers à observer un rassemblement devant le siège du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, à Ben Aknoun (Alger). Cela fait maintenant plusieurs semaines que la protestation prend de l'ampleur touchant quasiment toutes les filières de l'enseignement supérieur sans que la tutelle réagisse pour absorber, calmer la colère ou encore les rassurer sur leur avenir. Il ne se passe pas une journée sans que des milliers d'étudiants observent un sit-in pour clamer leurs revendications et dénoncer “le mutisme dans lequel s'enferme la tutelle”. Les étudiants se disent fatigués, voire même exaspérés par cette politique, mais aussi déterminés à poursuivre leur grève quitte à aller vers une année blanche. “Ils veulent nous avoir à l'usure mais nous n'allons pas lâcher prise. Nous finirons par les avoir et arracher nos droits”, a déclaré Adel, étudiant à l'école nationale supérieure des statistiques et de l'économie appliquée (Enssea, ex-INPS). Une foule immense a envahi hier les alentours du siège du ministère de l'Enseignement supérieur, chantant en chœur l'hymne national puis scandant des slogans dénonçant la politique du ministère : “Le ministère méprise ses étudiants”, “la confiance est dans l'engagement écrit, non dans les fausses promesses”, ont encore crié les étudiants. D'autres se disent prêts à durcir le mouvement en criant : “Profitez de notre mouvement pacifique pour concrétiser nos revendications avant qu'on élève le ton”. Les étudiants déplorent “l'entêtement” de la tutelle à vouloir poursuivre des réformes contestées par toute la famille estudiantine. “Nos études et nos diplômes ne valent plus rien. Nous voulons de la compétence, cela fait plus d'une année que j'étudie les sciences islamiques et je n'ai rien acquis en savoir. Nos diplômes ne valent même pas un BTS et c'est pour cela que l'administration préfère recruter des imams sortant des zaouias au lieu de ceux ayant fait l'université”, s'indigne Abdelfatah, étudiant en sciences islamiques à l'université du Caroubier. Alors que le malaise touche toute l'université algérienne, les étudiants s'organisent et construisent leur mouvement. Des collectifs et des coordinations d'étudiants autonomes ont vu le jour. Samedi dernier, les comités d'étudiants autonomes des facultés de Bouzaréah, de Dély-Ibrahim, du Caroubier et de Sidi-Abdallah ont décidé de créer une coordination des comités autonomes d'Alger. à quelques détails près, ils réclament tous la réforme des programmes d'enseignement, la séparation entre les promotions du système LMD et celles de l'ancien système, l'ouverture d'avantage de postes de magistère et la possibilité de participer aux concours d'accès au mastère 1. Les étudiants en grève dénoncent également “les manœuvres” de l'administration visant à casser leur mouvement de protestation en ouvrant le dialogue avec les représentants des organisations “satellites”, à l'image de l'Ugel, de l'Unea… Concernant les dernières mesures portant sur l'abrogation du décret 10-315, elles n'auront pas suffi à dissuader les étudiants des grandes écoles de cesser la protestation. “Le décret n'était qu'un déclencheur. Nous avons d'autres revendications qui n'ont pas été évoquées par la tutelle”, expliquent-ils. Mieux, la révolte des étudiants promet de monter d'un cran puisqu'ils ont décidé de tenir un rassemblement aujourd'hui à la place de la Liberté de la presse, rue Hassiba-Ben-Bouali, à Alger.