Ancienne de l'équipe nationale de volley-ball, docteur en sciences sociales de l'université Paris V Sorbonne, elle est actuellement enseignante-chercheuse et maîtresse de conférences à l'ENS/STS (école nationale supérieure en sciences et technologies du sport de Dély-Ibrahim, Alger). Membre de Femix' Sport (Femmes Mixité Sports), elle est spécialisée dans la question du genre en sport... Interpellée depuis vingt ans par la question des femmes et sport, elle en a fait une thèse de doctorat en 2008. Elle en parle. La question “Femmes et Sport” s'est souvent trouvée, au cours du siècle dernier, au centre d'un débat sociologique portant sur la place et le rôle de la femme. Le sport étant un facteur d'intégration de l'élément féminin dans une société active, nous remarquons bien la différence entre les premiers Jeux olympiques de 1896 d'Athènes, où les femmes étaient absentes ; elles furent présentes aux seconds, ceux de 1900, à Paris, mais seulement avec 1,55% de participantes. Aux derniers jeux de Pékin, en 2008, elles représentaient 45,36%. La présence des femmes s'est généralisée dans les différentes disciplines existantes, même dans les plus masculines, à l'exemple du rugby, de la boxe, du football, de l'haltérophilie... Peut-on parler, aujourd'hui encore, de sport féminin et de sport masculin ? à mon sens, non, il n'y a plus de sport pour les femmes et de sport pour les hommes. Nous constatons que les femmes ont accédé à toutes les disciplines sportives. En revanche, en termes de recherche, on ne peut plus travailler et réfléchir sur la question et la place des “femmes dans le sport” sans les référer et les confronter aux masculins pour leur donner un sens ; d'où la notion du genre : masculin/féminin, objet pertinent pour observer et analyser les différences et les inégalités entre les sexes (masculin/féminin, la masculinité/la féminité, les sports de tradition masculine…) Longtemps, on considérait certains sports pratiqués par les femmes, tels que la danse, la gymnastique et la gymnastique rythmique sportive comme étant des pratiques dites “féminines”, pratiques à tendance “féminine”, mettant en évidence la beauté du geste, la grâce, la finesse, le plaisir et la soumission : c'est comme un objet décoratif. Par ailleurs, il y a des femmes qui s'investissent, aussi, dans des pratiques dites “masculines” comme, par exemple, la boxe (sport véhiculant une connotation de virilité et/ou de violence), ou encore l'haltérophilie (sport où le corps est dominant et le muscle censé appartenir aux hommes). Dans ces cas de figure, on remarque bien que les pratiques sont sexuées, sous l'effet d'un processus de distribution différentielle des deux sexes où les activités sont stéréotypées, en termes bourdieusiens : “L'artefact de l'homme viril et de la femme féminine”, faisant allusion à une construction sociale matérialisée par une domination masculine. En effet, la sociologie du genre apparue aux USA, en 1970, va étudier les différences des comportements de la masculinité et la féminité, à travers les pratiques sociales, les symboles appliqués au sport. Comme il y a une répartition des tâches entre les deux sexes, on va s'apercevoir que tout ceci est une construction sociale. Le terme de “Gender” a été introduit en 1972 et signifie une définition sociale, culturelle et historique, qui diffère du terme sexe, auquel on donne une définition biologique naturelle de notre identité. Heureusement qu'aujourd'hui, les chercheurs qui travaillent sur la problématique “Femmes et sport” n'ignorent plus cette notion du genre. Pour l'analyse d'un questionnement indirect par le “différenciateur sémantique d'Osgood”, une technique de contournement qui nous a permis d'explorer de façon indirecte les significations subjectives que chaque individu associe aux stimuli de son environnement social, nous avons pu récolter certains résultats dans nos recherches portant sur les stimuli sportive/sportif. Les résultats ont montré que la sportive est moins valorisée que le sportif. Les femmes envient la sportive par rapport à ses titres honorifiques et les hommes algériens la redoutent par rapport à sa présence sur les terrains de sport, considérés historiquement comme “des espaces masculins”, ainsi que de sa pratique sportive en s'appropriant le muscle, élément viril, propriété exclusive de la gent masculine. Avions-nous oublié que Hassiba Boulmerka fut la première médaillée d'or olympique et championne à avoir honoré l'Algérie ? Il semblerait que la médaille de Morsli est “venue réparer un accident de la nature” ! Peut-on considérer qu'il appartient à l'homme d'honorer son pays ? Pour la question de la différence des sexes, également, dans les études en sport, celles qui ont suivi des études supérieures en sport et acquis un savoir-faire dans le domaine de la méthodologie de l'entraînement sportif sont au nombre de 12%. En s'appuyant sur une classification des spécialités sportives : empreinte parlebasienne (par une approche praxéologique), malgré une féminisation progressive dans la distribution des différentes spécialités sportives, on remarque que les conseillères en sport semblent plus représentées que les hommes dans les sports psychomoteurs “automatisés”. Elles sont confinées dans des activités où elles sont seules, dans un milieu stable dépourvu de danger et d'incertitude, comme l'athlétisme, la gymnastique et la natation ; les hommes, eux, profitent davantage des activités avec prise d'initiative et de décision : les sports sociomoteurs, comme le football, le handball et les sports à risque... Par ailleurs, il semblerait qu'au fil des années, les femmes tentent de devenir des formatrices dans les sports de combat. Ce “choix” correspond-il à une mise en conformité de soumission par imitation des pratiques masculines, ou, est-ce, au contraire, une tentative de rébellion pour mieux s'affirmer, ou, encore cela peut-il être interprété comme un moyen de reconnaissance valorisant le mérite individuel ? Nos résultats nous ont permis, également, de constater que la question du genre, dans le modèle algérien, va être rencontrée directement et sans transition dans un seul et unique territoire, qui est l'espace du sport. Cette fusion territorialiste produira un choc culturel pour un genre non préparé à se mouvoir dans l'unicité spatiale. Ce qui n'exclut pas l'imposition d'une “interterritorialité” codée, réglementée et conventionnée, en attendant une territorialité unique. La contradiction sociale du genre refait surface dans toute sa nudité dans le milieu professionnel. L'exercice de la profession de conseillère du sport apparaît comme un acte de militantisme. La femme est insérée, mais dans des postes subalternes et tout juste moyens ; elle se trouve écartée d'emblée des postes décisionnels et de responsabilité ; son appartenance au “sexe faible” ne lui permet pas de s'imposer dans un milieu dit de “virilité”. La modernisation de la société par le sport a été un phénomène producteur d'effets et de conséquences, dont, souvent, la composante sociale n'était ni prête ni préparée pour les absorber et les digérer. Aujourd'hui, force est de reconnaître qu'une minorité sociale fort présente et agissante a fait sienne cette modernité. Cette dernière est créatrice et productrice d'une transition culturelle en Algérie, dans laquelle la femme aura certainement un rôle prépondérant à jouer.