Ils n'étaient pas nombreux à répondre à la marche contre la monarchie saoudienne du 11 mars appelée sur Facebook. Des poignées de manifestations dans l'est du royaume, tandis que Riyad était quadrillée par un dispositif policier visant à empêcher tout mouvement. On notait également une forte présence policière à Djeddah, deuxième ville du pays. C'est à Hofouf que les manifestants ont été plus importants, une ville dans la région pétrolifère orientale, théâtre ces deux dernières semaines de petits rassemblements, essentiellement de manifestants de la minorité chiite. À Qatif, toujours dans cet Est remuant, la police a fait trois blessés en tirant des coups de semonce pour disperser les manifestants. Sur Facebook, 30 000 personnes se sont exprimés, une coalition de libéraux, militants des droits de l'homme, islamistes sunnites modérés et chiites, qui réclament des réformes démocratiques en Arabie Saoudite ! Oui des libertés universelles au cœur du wahhabisme. De quoi semer l'inquiétude chez le roi Abdallah qui avait écourté sa convalescence marocaine pour lancer un plan de sauvetage. Le fait que le régime saoudien en fasse une telle affaire suggère que le mouvement des facebookistes pourrait être quelque chose d'important. N'est-ce pas de la Toile qu'ont été alimentées les révolutions tunisienne et égyptienne ? Même s'ils sont 200 ou 300 marcheurs, à l'échelle saoudienne, c'est quelque chose d'inquiétant pour le régime qui n'a jamais connu autant de manifestations frontales en plusieurs localités et qui, plus est, de nature démocratique. C'est un précédent et pour les experts, on verra probablement d'autres manifestations pour la démocratie dans ce pays figé par le wahhabisme. Le prince Saoud al-Faïçal, ministre des Affaires étrangères et neveu du roi Abdallah, devait rappeler, la veille des marches, que les autorités religieuses avaient interdit les manifestations de protestation ! Ajoutant, cependant, que des changements dans le royaume pourraient intervenir par le dialogue. La peur est dans la maison royale. Premier exportateur mondial de pétrole, l'Arabie Saoudite a récemment débloqué 37 milliards de dollars pour financer des mesures en matière de logement, d'emploi et d'éducation en vue de contrer tout début de contestation. Les analystes géopolitiques de l'Eurasia Group estiment que, contrairement aux contestations dans d'autres pays arabes, celles du peuple saoudien ne menacent pas dans l'immédiat le régime. S'il est vrai que pour l'instant les protestataires ne réclament pas encore la chute du roi, comme dans d'autres pays du Golfe, mais des réformes politiques et économiques, les révolutions arabes ont été imprévisibles et ont commencé dans les pays où elles étaient le moins attendues. Les Saoudiens se plaignent sur la Toile de l'absence d'une société civile et de liberté, du mauvais système éducatif, de l'absence de droits des femmes et de la corruption. Impensable dans ce pays qui a donné naissance à l'islamisme radical, qui l'a couvé et exporté y compris au sein de communautés musulmanes en Occident. Le gouvernement américain, proche allié de Riyad, a dit être au courant de manifestations qui ont été dispersées et a répété son soutien à des rassemblements pacifiques. La situation pourrait dégénérer si les forces de sécurité saoudiennes réagissent. C'est tout le secret de la réussite en Tunisie et en Egypte. Ce qui est probable : le départ d'une manifestation au long court sera donné dans la région orientale de Qatif, où l'importante majorité chiite a davantage l'expérience de la contestation.