La contre-offensive militaire de Kadhafi contre la révolte de ses populations a redonné du poil de la bête aux autres autocrates arabes menacés par le printemps démocratique qui a déjà fait chuter deux des leurs, en Tunisie et en Egypte. La campagne se déroule sur deux fronts : d'une part, les populations sont inondées de promesses de plein emploi, de relogement, bref des revendications bien réelles, le tout accompagné de gel des prix de produits alimentaires. D'autre part, l'impunité dont bénéficie le dictateur de Tripoli pour reconquérir les zones libérées par son opposition a encouragé de nombreux régimes à passer à l'action militaire. L'opposition bahreïnie conduite par les chiites a crié lundi à l'“occupation étrangère” après l'arrivée de troupes de la force commune des pays du Golfe, venues aider à rétablir l'ordre alors que s'intensifie la contestation visant la dynastie sunnite des Al-Khalifa. Le peuple de Bahreïn fait face à un réel danger, celui d'une guerre contre les citoyens bahreïnis sans déclaration de guerre, ont souligné les sept composantes de l'opposition, et pas seulement que le Wefaq chiite. “Nous considérons l'entrée de tout soldat, de tout véhicule militaire dans les espaces terrestre, aérien ou maritime du royaume de Bahreïn comme une occupation flagrante, un complot contre le peuple de Bahreïn désarmé, et une violation des (...) conventions internationales”, a déclaré l'opposition. Plus d'un millier de soldats saoudiens et 500 policiers envoyés par les Emirats arabes unis sont déjà arrivés à Bahreïn, dont les autorités ne l'ont pas confirmé officiellement, mais que la télévision d'Etat fait passer en boucle l'arrivée de la force dite commune des pays du Golfe en train d'entrer à Bahreïn en provenance d'Arabie saoudite. Ryad a indiqué avoir répondu à une demande de soutien de Bahreïn. La présidence américaine a appelé les pays du Golfe à faire preuve de retenue, à respecter les droits des Bahreïnis et à agir de manière à soutenir le dialogue au lieu de le saper, selon le porte-parole de la Maison-Blanche, mais Washington s'est gardé d'exiger le retrait des forces saoudienne et émiratie. Il est à retenir que ni le secrétaire à la Défense, Robert Gates, ni le chef d'état-major interarmées, l'amiral Mike Mullen, n'ont eu d'indications sur le fait que les Saoudiens ou d'autres forces du CCG allaient se déployer à Bahreïn. La précision à Washington du colonel David Lapan, porte-parole du Pentagone, est de taille, puisque le petit archipel du Golfe est un allié stratégique de Washington qui accueille le quartier général de la Ve flotte américaine. Les autocrates devant le danger et face à leur population n'ont pas estimé important d'avertir leur allié américain et puis leur mouvement de troupes tant qu'il n'est pas dirigé contre Israël… Pour dire vrai, Washington avait été averti mais pas avec un laps de temps important. “Nous avons été informés juste avant, mais pas consultés”, précisé une source américaine à des journalistes au terme de la réunion à Paris lundi entre Hillary Clinton et cheikh Abdallah ben Zayed, le ministre des AE des Emirats arabes unis. L'arrivée des troupes de l'Arabie saoudite et de policiers émiratis, sous mandat du CCG, le syndicat des pétromonarchies du Golfe, fait suite à l'intensification de la mobilisation de manifestants bahreïnis qui bloquaient depuis samedi les accès du centre de Manama, où se trouvent le quartier d'affaires et des bâtiments publics. La ville est quasiment paralysée par une grève générale lancée à l'appel des syndicats pour protester contre la répression de manifestations. Les soldats arrivés à Bahreïn font partie de la force commune du Conseil de coopération du Golfe (CCG), appelée “Bouclier de la péninsule”, mise en place en 1984. Aujourd'hui, cela se vérifie, elle défend les familles régnantes.