Aït Ahmed vient de nous écrire. D'abord pour nous mettre en garde contre la tentation de reproduire, en Algérie, les démarches révolutionnaires des Tunisiens et des Egyptiens. Pourtant, “la crise algérienne s'inscrit naturellement dans le cadre des crises en cours”, écrit-il. Mais, “pour autant, il n'est pas question de céder à une quelconque contagion démocratique dans l'explication et le traitement de chaque situation nationale”. Les “crises” doivent se suivre mais, apparemment, il y aurait, quelque mal à ce qu'elles puissent se ressembler ! Pourtant, en Tunisie et en Egypte, elles lui “rappellent, dans leurs prémices, le printemps démocratique” de 1989-1991. Après, ce fut l'hiver Boudiaf et “la furie éradicatrice des années quatre-vingt-dix qui a déchaîné — à l'intérieur et à l'extérieur des institutions — des Algériens contre d'autres Algériens durant toute une décennie” que lui rappelle la Libye. Ainsi, au commencement de la “furie”, il y avait “l'éradication” qui s'est attaquée à l'innocence islamiste armée, une furie qui n'aura duré qu'une décennie. Et qui aurait donc pris fin avec l'avènement du régime Bouteflika ! L'Algérie a besoin d'une longue marche, pas de manifestations de rue. Une marche qui se passera de ce qu'il appelle “de brefs footings en ville”, qui se fera avec les anciennes générations et sans bousculer les institutions en place. “Le rajeunissement nécessaire des élites, les nouvelles formes que prennent leurs luttes, l'extension du champ de leurs revendications, qui secoue le vieux fonds classique des combats de leurs aînés, ne doivent pas servir à l'odieux (!) dessein de couper les générations en tranches jetables”, explique le leader du FFS. Exactement comme dans la question du terrorisme, il procède, dans son analyse, à une inversion synchronique : c'est du combat de la victime que vient le danger ! Les jeunes veulent exclure les vieux. Voilà cinquante ans que la légitimité est de type “historique” et ce sont les promoteurs de la revendication du changement qui portent un “odieux” – rien que cela – dessein de couper les générations en tranches. On doit bien convenir avec le “zaïm” que “le combat pour l'indépendance nationale et le combat pour la démocratie sont indissociables”. Ils “auraient dû être indissociables en effet”. D'ailleurs, il en conclut fort justement que “ceux qui ont cru que l'une pouvait faire l'économie de l'autre ont fait la preuve de leur échec”. Mais après l'échec, quelle sanction ? Dans son cocktail, il n'oublie pas le FIS, malgré “le lourd soupçon de manipulation par le pouvoir réel qui pèse sur ces courants”. On reprend tout le monde et on repart à 1991 : “Il serait léger de croire qu'il suffirait de dissoudre des institutions ou des partis pour que sortent de leurs décombres d'autres institutions et d'autres partis tous prêts pour un usage démocratique.” Et surtout que le peuple ne joue pas à se passer des “zaïm” : il aurait “tort surtout de croire que l'union est dans le reflux du politique au profit du fusionnel”. Pour Aït Ahmed, comme pour Bouteflika, c'est en ce sens que “l'Algérie n'est pas la Tunisie ni l'Egypte”, ni la Libye, ni… ni… Depuis 1962, on ne peut faire du neuf, ici, qu'avec du vieux. Sinon, c'est le chaos. Il faut rééditer l'échec pour éviter le chaos. M. H. [email protected]