L'histoire d'un pays, quels que soient sa dimension et les mystères qui l'entourent, n'a d'égal que lorsqu'elle inspire des auteurs. De par des anecdotes ou des récits qui paraissent invraisemblables, car fantastiques, dépassant le seuil du possible. Mais quand un fait devient une légende, c'est de l'histoire. Quand on appartient à cette génération d'Algériennes et d'Algériens qui, à l'école, n'a pas appris l'histoire de son pays, mais celle du pays colonisateur, une frustration certaine sommeille et ne disparaîtra que lorsqu'elle est assouvie. C'est de cette “frustration” qu'est née, pour Fatéma Bakhaï, l'envie d'écrire un roman avec des personnages fictifs ayant vécu dans un passé réel. Mercredi dernier, cette auteure a animé, à la bibliothèque du palais de la culture Moufdi-Zakaria (plateau des Annassers, Alger), une rencontre-débat organisée par cette même institution culturelle et les éditions Alpha. Après avoir lu l'histoire des autres pays, Fatéma Bakhaï s'intéresse à celle de son pays et de ses ancêtres. Moult questions la taraudaient, titillant sa curiosité. “L'histoire de mes ancêtres n'intéresse sans doute que moi (…)”, écrit-elle en préambule dans le premier volume de cette trilogie. Après un travail de recherche (lecture de tous les livres d'histoires se rapportant à l'Algérie, d'une part, et du Maghreb, d'autre part), l'auteure entame l'écriture de son roman qui lui a pris pas moins de six années. En divisant son œuvre en trois parties (alors qu'elle pensait en faire un seul volume) l'auteure marque trois haltes principales dans l'histoire de l'Algérie : la période néolithique pour la première partie (Izuran : au pays des hommes libres). L'occasion de “descendre” les assertions qui “disent que la terre d'Afrique du Nord était vide”. C'est également, l'histoire des premiers Berbères à la veille de la conquête musulmane. Dans la deuxième partie (Izuran : les enfants d'Ayye), c'est le passage de la Préhistoire à l'histoire ; y est abordée la période faste et féconde du Maghreb. Elle met également en exergue l'échange entre cette région d'Afrique et l'Andalousie. Quant au dernier volet (Izuran : au pas de la Sublime Porte), c'est le temps qui est remonté, jusqu'au 27 avril 1827, à la veille de “la conquête française”, en 1830. Optant pour la technique des romans historiques – même si elle ne le savait pas au départ –, Fatéma Bakhaï raconte l'histoire de personnages fictifs, qui auraient pu exister, pour faire vivre l'histoire réelle. À travers ses personnages, ce sont les différents cycles historiques qui sont décrits avec précision. Elle cherche les détails, ceux qui permettent au lecteur d'imaginer, de rêver. En outre, en créant ces personnages, c'est une saga qui a vu le jour. Des légendes ont été créées pour rendre “l'histoire réelle” plus captivante. En écrivant cette trilogie, Fatéma Bakhaï voulait partager ce qu'elle a appris à travers ses différentes lectures. N'étant pas historienne de formation, elle a opté pour l'écriture romanesque. Des faits authentiques, des dates incontournables, les personnalités historiques côtoient des personnages fictifs. Ils sont cités pour leurs actes, leur fonction… Des fois à travers des phrases ou autres citations qu'ils ont dites. Par ailleurs, au-delà du travail d'écriture effectué par l'auteure, la saga Izuran est cette autre occasion de [re]découvrir l'histoire de l'Algérie, de réconcilier ce peuple avec son passé. “Les Algériens n'ont pas de repères. Ils ne s'approprient pas leur histoire”, a asséné l'auteure. Et d'ajouter : “L'histoire de notre pays est très mal enseignée, c'est la matière la plus mal aimée.” La sonnette d'alarme a été tirée lors de cette rencontre : des dangers guettent notre histoire. Il est temps de se réconcilier avec ce passé qui n'est pas “le fait du hasard”.