En réponse au large mouvement social qui se développe dans le pays, les récentes mesures prises par les pouvoirs publics ont ciblé, à titre principal, la création d'emplois singulièrement au profit des primo-demandeurs. Urgence et gravité du moment obligent. Mais la situation qu'il faudra gérer, à présent, c'est celle de réunir rapidement les conditions pour que leurs effets aient un réel impact positif sur la sphère économique. Cela, pour deux raisons essentielles, me semble-t-il. La première raison est liée à l'anticipation du risque de remontée de l'inflation. En effet, ce risque est réel si les ressources affectées pour la mise en œuvre de ces mesures, additionnées avec celles induites par l'augmentation des salaires, ne génèrent pas de contreparties suffisantes en termes de création de richesses et d'augmentation de productivité. On risque alors de revenir à la case départ car cela pénaliserait frontalement les détenteurs des revenus les plus faibles, rendant plus aiguë la crise sociale actuelle. Le ministre algérien des Finances et le FMI ont, d'ailleurs, tiré la sonnette d'alarme la semaine dernière. La prochaine loi des finances complémentaire des finances pour 2011(LFC 2011) nous donnera une indication plus précise sur l'état de la menace inflationniste. La deuxième raison renvoie aux conditions de résilience et de durabilité des effets des mesures prises. La création de ces conditions permettra d'assurer une viabilité durable aux entreprises et activités créées avec le soutien de ces mécanismes publics. Elle permettra, également, par effet induit, de réduire à terme le recours aux seules ressources budgétaires tout en conservant la dynamique de création d'emplois. Rappelons à ce sujet que le recours récurrent au Fonds de régulation des recettes (FRR) pour financer le déficit budgétaire est dangereux à terme pour les équilibres financiers du pays. Assurer le succès des projets portés par les jeunes promoteurs revêt donc un caractère crucial. La décentralisation des opérations en vertu du principe de subsidiarité est, à mon sens, essentielle pour ce faire. Aussi la création des fonds régionaux d'investissements est intéressante sous réserve que ces derniers gardent un caractère opérationnel de proximité et évitent les travers bureaucratiques, car les longs délais de traitement peuvent être contreproductifs. De même que la réduction à 1% seulement de l'apport des jeunes porteurs de projets, appuyés par le dispositif de l'Ansej, ne devrait pas être l'occasion de faire tout et n'importe quoi sous la pression du nombre. Le succès de cette mesure auprès des jeunes gagnera en durée si l'évaluation des projets proposés est faite systématiquement et l'accompagnement assuré par une expertise qualifiée. Le taux de mortalité des entreprises bénéficiaires du dispositif serait de plus faible. La mise en place, par le ministère du Travail et de l'Emploi, d'une commission chargée de l'évaluation périodique de l'exécution des nouvelles mesures relatives à l'emploi est un premier pas dans ce sens. Il reste à l'élargir à l'ensemble des acteurs y compris la représentation des bénéficiaires potentiels. Mais ce type d'initiatives ne permet, en général, que la création de très petites entreprises (TPE) qui ont forcement besoin du segment de marché important que sont les PME et les grandes entreprises. Cela suppose donc, pour assurer le succès du programme, que le soutien soit également apporté aux PME et aux champions potentiels. C'est vraiment le moment de dynamiser les instruments de capital-risque, d'encourager l'ouverture du capital des entreprises au financement boursier et obligataire. Quitte à le faire avec des partenaires professionnels étrangers qui disposent de la culture et de l'ingénierie nécessaires. L'essentiel en la matière est d'initier la démarche et de créer une dynamique. Dans cet ordre d'idées, le périmètre opérationnel du Fonds national d'investissement (FNI) devrait être élargi à l'acquisition d'actifs technologiques à l'étranger au profit de toutes les entreprises qui en auraient besoin. À l'instar des initiatives publiques dont on a parlé plus haut, il faudrait aussi que les acteurs du marché se libèrent plus et participent davantage aux actions de promotion de l'innovation et de l'emploi. Cela en plus, évidemment, des emplois créés par la dynamique de croissance des entreprises elles-mêmes. On peut ainsi penser au soutien financier de démarrage que peuvent apporter des personnes physiques et même des fonds d'investissements publics ou privés aux jeunes innovateurs. Sous d'autres cieux, les personnes qui investissent une part de leur patrimoine dans une entreprise innovante à potentiel, et qui, en plus, l'accompagnent dans ses premiers pas, sont appelés les Business Angels. Cette démarche, née aux Etats-Unis, s'est développée dans les pays émergents, notamment en Turquie. Dans ce dernier pays, elle a beaucoup contribué à la création d'entreprises technologiques dirigées par de jeunes scientifiques. Nous disposons, nous aussi, de l'expérience du projet Algerian Start up Initiative, initié au profit des jeunes promoteurs universitaires avec le soutien de la diaspora algérienne de la Silicon Valley. Il faut à présent le consolider sérieusement pour qu'il devienne une success story pour d'autres initiatives du type de celle des Business Angels évoquée plus haut. En conclusion, on voit bien qu'il n'y a pas que l'Etat qui est concerné par le défi de l'emploi et de la croissance. Il n'est qu'un des acteurs au même titre que ceux du marché et de la société. Mais il se trouve qu'historiquement il dispose de plus de ressources. C'est pour cela que sa responsabilité est plus grande vis-à-vis de la société et des entreprises. Pour le moment en tout cas.