C'est soulageant de savoir le sympathique David Beckham, sa “Spice” épouse et leurs enfants à l'abri des malveillants desseins d'une bande de canailles. C'est d'autant plus réjouissant que c'est grâce à un journaliste que le couple le plus envié du Royaume uni est quitte avec d'ultérieures frayeurs . Un véritable justicier solitaire, ce reporter du News of the World : cent dix-neuf condamnations prononcées par la justice britannique, à la suite de ses enquêtes. Et plus de cent fois, Mahmood — c'est son nom — a risqué sa vie pour élucider ou prévenir un crime ou un délit. L'orgueil atrophié par les sacrifices de certains de nos aînés, j'étais encore rivé au sentiment fantaisiste d'appartenir au plus courageux collectif de presse du monde, jusqu'à ce que cette affaire me rappelle que, même à Londres, il faut du courage pour faire du journalisme d'investigation. Infiltrer une association de crapules pendant des semaines demande quelque témérité. Bien sûr que la motivation du journaliste doit quelque chose à la nature de la justice anglaise : ce ne sont pas les journalistes qu'elle traque en priorité. Nos meilleures plumes ont eu plus de procès que le plus grand malfaiteur national, y compris contre des “émirs” terroristes qui, eux, détiennent un sauf-conduit qui les immunise contre toute procédure. Je ne crois pas que Scotland Yard passe son temps à filmer des chroniqueurs pendant les manifestations et interroger des journalistes accusés de diffamation. Et la collusion répressive entre la justice et la police ne va certainement pas jusqu'à faire que des agents procèdent à l'arrestation de citoyens dans un tribunal sous l'oeil impuissant ou complaisant du juge et en brutalisant des avocats en fonction. Devant le cas Mahmood on se prend à rêver d'un journalisme socialement utile, un journalisme qui peut empêcher un rapt d'enfants, fussent-ils du citoyen le mieux payé, pas un journalisme qui sert ou protège des individus et des intérêts, qui encense celui qui a le pouvoir de loger ou la capacité de représailles. C'est sidérant la faiblesse de notre quatrième pouvoir. L'indépendance de la presse, ce ne sont pas “les généraux” ou autres puissants qui nous la contestent, mais notre tentation à composer, notre propension à marchander le “pouvoir” que nous croyons détenir. Nous gâchons, tendanciellement, un acquis des enfants d'Octobre et des collègues victimes du terrorisme, parce que, justement, nous avons le sentiment erroné d'avoir un pouvoir : nous avons, pour beaucoup d'entre nous, cessé de nous battre pour revendiquer les privilèges d'un statut que nous méritons de moins en moins. Il y a comme un pied de nez à notre jeune journalisme déjà gâteux, que ce soit un reporter d'une presse, que nous imaginons altérée par les commodités, qui nous apprenne que notre “manque d'imprudence” a passablement pourri notre métier, ici dans le pays de tous les défis, mais aussi de toutes les infidélités. Comme pour l'histoire générale du pays, les morts ne seront pas toujours là pour refaire notre légitimité. M. H. [email protected]